Mercredi 9 mars 2005
On trouve assez facilement des renseignements sur Bède, dit Saint Bède le Vénérable, qui passait pour " l'homme le plus savant de son siècle ".
Une vie rêvée : petit orphelin de Weamouth, il est confié à sept ans à St Benoît Biscop, abbé du monastère local. Quand il est grand il fonde le monastère l'abbaye de Jarrow, où il passe toute sa vie, partagé entre son travail manuel de boulanger, et son travail d'écriture(s). Humble et tranquille, il mourut en 735 à l'âge de 62 ans. La veille encore, il dictait assis sur son lit, une traduction anglaise de l'Évangile selon Saint-Jean. Une vie de rêve non ?
Nul historien de l'Europe ne peut s'en passer : il est le premier historien de l'Angleterre (des origines à l'année 731). Œuvre considérable, éxégétique, historique, liturgique, poétique et musicale (ses traités Musica theoretica and De arte Metricâ sont incontournables pour ceux qui veulent étudier le chant grégorien).
Mais ce qui m'intéresse c'est le martyrologe, et celui de Bède est intact. Écrit de 725 à 731, Martyrologium de natalitiis sanctorum diebus est dans le fond exceptionnel de microfilms numérisés de Valenciennes dont j'ai déjà parlé hier, avec une dizaine manuscrits de Bède. C'est l'ouvrage unique répertorié ms 343 (330bis) qui contient le martyrologe.
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Le martyrologue commence au folio 28. On admire en face un très beau damier, (sans doute un calendrier des phases de la lune) et je ne peux m'empêcher de rêver à un des premiers mots croisés ou jeu de lettres...

Dans le même manuscrit, on trouve d'autres mises en pages savantes avec des damiers ou des couronnes étonnants.
En fait, ce n'est pas si étonnant que cela car en science, Bède s'est intéressé en particulier à la mesure du temps. Dans son Comput, il détaille deux types de calendriers qu’il est le premier en Occident à présenter et introduit pour la première fois le système de datation prenant comme référence la naissance du Christ, donnant ainsi l'envoi à l'usage de l'ère chrétienne par les historiens et, plus tard, par tout le monde... On lui doit ainsi des tables incroyables où par exemple il représente un cycle de 532 ans des dates de Pâques !
(Bède s’intéresse également au phénomène des marées, très frappant à Jarrow et Wearmouth, situés à l’embouchure de la Tyde.)
Son influence fut considérable et dura quelques siècles comme le temoignent de nombreuses représentations postérieures comme celles d'une aquarelle de 1140 ou il suit la dictée de saint Georges, du livre publié en latin puis en allemand en 1493 (Nuremberg Chronicle), plus récente d'images pieuses...
National gallery of Art, Washington Nuremberg chronicle, 1493
Concernant son Martyrologe, on peut trouver un commentaire me ramenant à ce dont je voulais parler en fait aujourd'hui, les martyrs et leurs supplices :
On a remarqué que l'auteur semble se complaire à des récits réalistes des tortures des saints
.
Tiens tiens...
mais je ne veux pas me faire avoir aujourd'hui comme les jours précédents.
Je voulais voir des martyres, alors cherchons-en quelques uns.
je vais d'abord regarder les enluminures de la B.N. Je me souviens qu'ils ont dans leur thème hagiologie, une rubrique martyrs. On ne sait jamais...
Bingo ! Ils en ont 7.
Chaque page détaillée est magnifique.
Je commence à m'intéresser à ces différentes façons de mourir, occasion de faire une petite ballade dans le dictionnaire, entre autre celui de l'Académie.
Décollation : n.f. XIIIe siècle. Emprunté du bas latin decollatio," décapitation". Vieilli. Action de décoller, de trancher le cou. Le supplice de la décollation. La décollation de Saint Jean Baptiste. Par meton. Œuvre d'art représentant cette scène.
Lapidation: n.f. XIIè siècle. Emprunté du latin lapidatio, de même sens. Action de lapider; supplice que subit une personne qu'on lapide. Le deutéronome vouait à la lapidation le blasphémateur, l'idolâtre, le devin, la femme adultère.
lapider : Tuer à coups de pierres. Par ext. Attaquer, poursuivre en jetant des pierres.
Fig. et par hyperbole. Se mettre à plusieurs pour accabler quelqu'un de critiques, de reproches.
Crucifixion la tête en bas pour saint Pierre, Noyade dans la mer avec une ancre de marine attachée autour du cou, pour Saint Clément,

C'est alors qu'un frisson me passe dans le dos. On ne maîtrise pas les images qui nous hantent.
La pendaison de saint Pierre me ramène celle de Mussolini, et la mort de Saint Etienne me fait penser à l'intifada.
Serait-on toujours dans la même histoire ?
" Est-ce ainsi...que les hommes vivent...? "
Mais ce qui m'ébranle subitement, c'est que je repense au tableau qui me fait à chaque fois serrer les dents, jusqu'à aujourd'hui, celui que j'ai eu le plus de mal à supporter, qui à chaque fois me donne la chair de poule...
Je l'avais vu la première fois lors d'un séjour à Lille pour aller voir mes amis Stehelin, il y a presque 30 ans. C'était lors d'un de mes rares retour en France, pendant ma période américaine (1973/1979).
Pour me faire plaisir, un après-midi, Monique S. m'avait fait faire le tour des musées de la région...