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Lundi 11 avril 2005........ ...................................................................... ...hier ......Avant-hier
Retour d'Evreux à 2 heures du matin, traversée de Conches et ses ronds points complètement délirants.
Sentant ma vigilance diminuer, je me gare face au château de Saint-Simon à la Ferté Vidame et m'endors. Je me réveille au petit matin dans le brouillard et le froid. Fin du retour à Nogent qui dort elle aussi dans un brouillard à couper au couteau.
je ne peux me coucher car j'ai rendez-vous avec le couvreur-maçon pour un devis dans la maison de Thirons-Gardais, dont je dois devenir propriétaire mercredi prochain chez le notaire local, si la banque lui a bien envoyé tout ce qu'il demandait, à savoir le montant emprunté de l'achat.

En me faisant un café je pense à Simonetta Vespucci et son drôle et fulgurant parcours.
Comment cette inconnue a réussi en aussi peu de temps dans l'univers de la Renaissance à approcher et séduire autant de peintres de poètes et pénétrer (juste avec sa beauté ?) dans le cercle magique de Florence d'où elle n'était pas originaire ?
Née en 1454 (les avis divergent, à Porto Venere ou à Gênes) dans une noble famille génois mais exilée à Piombino , Simonetta Cattaneo y rencontre en 1468, elle a tout juste 15 ans, un jeune garçon de son âge, Marco Vespucci, cousin distant de la célèbre famille Vespucci. Coup de foudre, mariage la même année, et arrivent tous les deux à Florence autour de 1472. Il lui reste quatre ans à vivre avant de mourir de tuberculose en avril 1476 ! C'est dans ces quatre dernières années que réside bien sûr tout le mystère de son passeport pour l'éternité !

Amerigo Vespucci
La famille Vespucci, ce n'est pas n'importe quoi. Ils sont riches, célèbres, influents et ont des bonnes fréquentations. Elle est restée dans l'histoire à cause d'un de ses fils, Amerigo Mateo Vespucci qui est supposé avoir découvert et donné son nom à l'Amérique. Dans l'histoire qui nous intéresse en fait, c'est le cousin du voyageur qui compte : Giorgio Antonio car il fréquentait la Maison des Médicis.
Cosme l'ancien peint par Pontormo
C'est ce Giorgio Antonio Vespucci qui introduisit chez les Médicis un jeune peintre inconnu de 18ans qui habitait à côté de chez lui (Via della Porcellana, près de l'Eglise Ognissanti) : un certain Sandro Botticelli ! Les Médicis prirent vite l'habitude de lui donner du travail c'est-à-dire des commandes. C'est donc aussi sans doute par l'intermédiaire de Giordio Antonio que la jeune Simonetta fut introduite dans cette maison historique et rencontra Sandro Botticelli qui tomba aussitôt amoureux d'elle (platoniquement) et la prit comme modèle de la beauté dans une bonne partie de son œuvre future.
Les Médicis ! Illustre famille de marchands, changeurs puis banquiers, mise en place par Cosme l'Ancien (peint ici par Pontormo) suite à son père Giovanni.
Ses deux petits fils, Julien et Laurent de Médicis , sont restés célèbres et sont tombés amoureux de Simonetta, mais il semble que seul Julien fut son amant, ou, elle fut la maîtresse seulement de Julien.
Julien n'a pas eu de chance (à part avoir eu les faveurs de Simonetta). Il a été assassiné au cours de la conjuration des Pazzi (grande famille florentine voulait mettre fin à la domination des Médicis sur Florence) le 26 avril 1478 dans un guet-apens (dans la cathédrale)où son frère Laurent y échappa de justesse.
Simonetta était déjà morte depuis deux ans presque jour pour jour...
On connaît au moins quatre portraits de lui faits par Botticelli :
Ces portraits furent faits la plupart sur commande d'amis après sa mort tragique, ce qui explique qu'il a presque toujours les yeux mi-clos, et une tête assez rigide et figée comme un masque funéraire.
Laurent de Médicis, dit Laurent le Magnifique fut un grand mécène pour l'enseignement et les arts. Ambitieux, autocrate, répressif, calculateur mais habile car intelligent, il réussit pour un temps à faire de Florence le plus puissant des États italiens. C'est lui qui attira tout ce qui traînait de poètes, de peintres, de philosophes ou d'artistes. Mais c'est lui aussi (y a-t-il une relation ?) qui ruina la banque familiale et rendit les Médicis impopulaires.
On connaît au moins deux portraits de lui, un fait par Giogio Vasari, et l'autre fait par Botticelli (détail dans l'adoration des mages). On comprend Simonetta d'avoir préféré le frangin beau comme un dieu. Car malgré son surnom de Magnifique, il était moche comme un pou :
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D'Irving Stone (dans la vie ardente de Michel-Ange) à l'historien Auguste Bailly ( dans La Florence des Médicis, 1956) personne n'est d'accord sur les réelles conquêtes de Simonetta. Tous furent d'accord que tout le monde tombait sous son charme, tous se demandent comment elle put garder la tête froide dans une époque pleine de rivalités, d'assassinats, de complots mais aussi de fêtes et de dépenses somptueuses, de mélange entre sacré et profane,
Sa mort fut l'occasion de réaliser combien tout le monde la respectait et la vénérait de par sa beauté mais aussi d'avoir su ne pas sombrer dans ce monde violent et calculateur dans lequel elle avait évolué.
À ses obsèques, des milliers de gens suivirent sa dépouille dans les rues, et l'on pouvait y reconnaître, attention les yeux, Botticelli, Julien de Médicis, et d'autres artistes et non des moindres comme Lippi et Léonard de Vinci !
C'était le début d'un mythe, d'une légende.
Germán Arciniegas, grand ami de Stephan Zweig mais aussi grand historien de l'Amérique latine, grand critique et romancier colombien, a aussi consacré une partie de sa vie à l'étude des Vespucci. Il a écrit entre autre un livre passionnant, dont malheureusement je n'ai lu que de larges extraits, mais que l'on peut heureusement encore se procurer facilement aujourd'hui.
" Il permet de mieux connaître les événements d’une période foisonnante de fêtes et d’assassinats, de poésie et de drames, de réjouissances frénétiques et de vengeances redoutables, au cours de laquelle la vie était d’autant plus intense qu’elle était si brève, tandis que perdurait le visage éphémère d’une jeune femme énigmatique. ", (Bulletin critique du livre en français, n° 609-juin 1999.)
Finalement, ce qui l'a sauvé de ce monde fou ce fut sans doute d'y disparaître vite et de n'y passer qu'en étoile filante.
C'est sans doute parce qu'elle ne fut qu'éphémère qu'elle devint éternelle.