Suite à la page d'hier sur la Tour rose de Chirico et Le cerveau de l'enfant, j'ai reçu ce matin de la part de Dominique H. la couverture de la nuit du Rose-hôtel, livre de Maurice Fourré paru en 1950, chez Gallimard, collection " Révélation " dirigée par André Breton, et préfacé par lui-même.
L'illustration représente non pas une tour mais un phare, et je réalise alors que dans les reproductions mises hier, je n'ai pas été précis, et qu'en effet, on pourrait séparer les tours, des cheminées, des édifices à colonnes, et qu'on ne peut les mettre tous, Chirico ne peignant jamais rien au hasard, dans le même lot.

De plus, Dominique H. possédant un exemplaire du livre, acheté dans les années 70, eut la gentillesse et la délicatesse de me joindre une page de la préface écrite par André Breton que je me suis empressé bien sûr de lire et d'apprécier, mais qui surtout me mis en appétit pour ce livre et surtout pour cet auteur dont je n'avais jamais entendu parler.
Je ne m'imaginais pas que ce phare allait m'embarquer (l'océan n'était pas loin bien sûr)dans une aventure comme je les aime. Je commençais par me renseigner sur Maurice Fourré.
Né en 1876 à Angers, il y mourut en 1959. C'est Jean-Pierre Guillon (né en 1943 à Rennes, poète, collagiste, et pamphlétaire qui vit tantôt en Bretagne, tantôt à Paris, et qui a rejoint le mouvement surréaliste au début des années soixante) qui est le Fondateur de l' Association des amis de Maurice Fourré
Basée 10, rue Yvonne Le Tac 75018 Paris, elle compte aujourd'hui 38 membres, elle publie une revue trimestrielle appelée Fleur de lune qui se consacre bien sûr, en publiant inédits, correspondance, articles critiques, interviews... à faire connaître l'œuvre de Maurice Fourré. Le Président est Alain Tallez, la Secrétaire Béatrice Dunner et le Trésorier Claude Grimbert.
Un film en deux parties sur Maurice Fourré a été tourné par Bruno Duval (Première partie : La Colonne Maurice, deuxième partie : Chez Fourré l'Ange vint)(on apprécie les jeux de mots !) Les deux cassettes VHS sont disponibles au siège de l'association, au prix de 25 € (plus 5 € de frais d'envoi).
l'oeuvre de Maurice Fourré a inspiré une pièce de théâtre, "les éblouissements de Monsieur Maurice", qui fut mise en scène par Claude Merlin au Théâtre Lavoir Moderne Parisien en Mai et Juin 1998).
On peut encore trouver plusieurs livres sur son travail :
- Maurice Fourré rêveur définitif suivi de Le Caméléon mystique de Philippe Audoin, publié aux éditions Le soleil noir (Paris,1978 ,in-8 broché imprimé sur papier orange sous emboîtage - Prix : 60,0 €)
- Maurice Fourré et la Bretagne de J.P. Guillon , biographie publiée en 2002.(8,55 euros)

Il a même inspiré le peintre Tristan Bastit (qui participe activement aux travaux et aux manifestation de l' Ouvroir de Peinture Potentielle, créé par François Le Lionnais) avec ce tableau intitulé Monsieur Gouverneur, hommage à Maurice Fourré, huile peinte en 1999.
mais revenons à la nuit du Rose Hôtel : "André Breton a goûté, préfacé et publié ce livre dont il disait que les personnages sont les enfants que Flaubert aurait pu avoir de sa passade avec Madame Bovary. Maurice Fourré, marginal de la littérature, raconte un hôtel de Montparnasse, tenu par Mme Rose, avec l'aide de deux garçons aux noms d'empereurs, Vespasien et Charlemagne. Ce roman-poème est d'une magie pénétrante."
Malheureusement ce livre est épuisé depuis longtemps et n'a jamais été réédité. André Breton l'avait préfacé aussi parce que c'était le premier livre d'une nouvelle collection qu'il devait diriger chez Gallimard et qui s'appelait " Révélation". Ce fut le premier mais aussi le dernier de la collection !
Les livres de Maurice Fourré que l'on peut trouver aujourd'hui sont rares.
Signalons en deux, aux très bonnes éditions bretonnes Calligrammes (Quimper):
- Le Caméléon mystique
- Patte-de-bois
(La Fnac les expédie sous 3 semaines!).
La nuit du Rose-Hôtel est rare,(on peut en trouver quelques exemplaires d'occasion ou en livre rare sur internet)
voire inestimable.
Lors de la fameuse vente du 42 Fontaine, je vous laisse apprécier les trésors...et les prix.
Un des 9 premiers exemplaires sur vergé de Hollande, justifié hors-commerce avec :
- Envoi autographe signé Maurice Fourré : "Pour André Breton, en hommage central de mon admiration, de ma gratitude, de mon affection. Cette première Voyelle de mon inspiration. Maurice Fourré".
- Photographie originale jointe à l'exemplaire, dédicacée au verso par Fourré à Breton : "Avec Monsieur André Breton le samedi 30 septembre 1950 à 5h22 du soir, dans l'escalier tournant de la colonne Saint Cornille. Maurice Fourré".
a été VENDU le 8 avril 2003 (lot 581) 4800 euros !
Un autre exemplaire, sans rien, (lot 852) fut vendu 2500 euros !
L'édition originale de La marraine du sel, de 1955 (Gallimard, Paris, Broché, format : In-12°)qui n'était qu'un exemplaire du service de presse, envoi autographe signé de Maurice Fourré à André Breton partit le même jour (lot 583) à 400 euros.
Tête-de-Nègre de 1960, (Gallimard, Paris, Broché, In-12°, édition originale), parce qu'il avait sa bande d'annonce conservée, trouva acquéreur à 400 euros.







Ne reste qu'une chose à faire : lire et approcher Maurice Fourré comme on peut :
Bonne nuit !

" D'un côté la négresse Babila qui m'avait nourri ; de l'autre, la cuisinière bretonne, qui vivait dans un monde silencieux d'intersignes, avec le cortège familier de ses défunts. Quand venait le soir, Babila me faisait peur. Elle me disait : « Voici la nuit nègre. Tu vas mourir, Enfant Blanc. » Elle venait me chercher dans mon lit pour me faire danser. Et je voyais ses dents qui brillaient. Elle me disait : « Viens faire peur à Maman. » Et je sentais sur mon cou ses grosses lèvres épaisses. Elle chantait la chanson de Grand-Mère : Dansez Balata, Dansez Balata ! J'entendais les cloches des bateaux qui piquaient trois heures. Je retrouverai toujours ses incantations magiques, ses sortilèges, ses maléfices. Elle écrivait ses significations d'envoûtement sur de petits papiers qu'on rencontrait dans les vêtures, dans les tiroirs, dans de petites boîtes. Quelques unes visaient ma pauvre mère. Et puis, c'étaient des sorties, des courses sur les quais, des fredaines, toute une part de vie secrète, de passion et facilités tombantes. Elle a été assommée un soir de Carnaval, rue de l'Arche Sèche, par un DOMINO NOIR ET BLANC qui la suivait depuis le pont de Pirmil. Je ne l'ai jamais oubliée. C'est Babila qui m'a fait ce que je suis, et qui m'a perdu. Mon père a suivi l'enterrement, habillé tout en noir. Et moi je tenais dans la main un petit bouquet d'immortelles entouré d'une dentelle de papier blanc. Et puis j'ai grandi. J'allais boire du muscadet et manger des grenouilles à Basse-Goulaine. J'ai failli me noyer quai de la Fosse, un soir que j'avais pris trop de plaisir à la grande foire d'été du Cours Saint-Pierre. Je dansais sur la passerelle d'accostage d'un navire. Il y avait des accordéons sur le pont. Les lumières des maisons mal famées m'avaient aveuglé.
- Dansez, Balata ! Dansez, Balata ! Boum ! Boum !
Gouverneur, tristement :
- Boum ! Boum !

Maurice Fourré
« La nuit du Rose-Hôtel »,
préface d'André Breton, 1950



(On comprend maintenant peut-être le titre du tableau de Tristan Bastit : Monsieur Gouverneur...)