Journal de Nogent le Rotrou
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ma vie dans le Perche
Propos sur la littérature et la peinture.
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Une Toussaint en chocolat
Moutiers au Perche : un village, une église, une exposition.
ou : du chocolat de Madame de Sévigné à celui des jésuites de Saint-Simon.
ou : " ils aimèrent mieux le perdre que de l'avouer. "

Des villages comme ça, il n'y en a plus beaucoup, mais cela existe encore. Que des maisons d'époque, avec des maisons restaurées dans le style et les matériaux d'époque, sans fausses notes. On a l'impression de faire un voyage dans le temps, dans celui de notre enfance, pour ceux qui furent élevées dans la campagne bien sûr...
Je parle du bourg du haut, sous la protection de l'église. Un temps où il n'y avait pas d'automobiles, où on se déplaçait à pied, pour aller faire ses courses, pour aller chez le voisin, à l'église ou au cimetière.
Pendant un instant je me suis cru, souvenirs d'adolescence, dans un village perdue dans les montagnes.
C'est Charlotte qui a fait les photos. Mon appareil était bien dans la poche, mais je cherche de moins en moins à retenir ou fixer les choses. Tandis que elle, à 9 ans, qui vient de découvrir la photo numérique, s'en donne à coeur joie, apprivoise le monde.
Le temps où l'on s'occupait beaucoup de son jardin et de ses fleurs.
Bien qu'étant samedi, jour de semaine, l'église, qui renferme quelques trésors, est ouverte, ce qui devient rare dans nos campagnes, vu le vandalisme passé, mais c'est certes aujourd'hui la fête de tous les saints, les habitants de la maison...alors...
L'église Notre-Dame du Mont-Harou, érigée au XIIe siècle : gargouilles, portail à partie semi-romane,
rétables assurés, un à ailes en pierre à deux registres, colonnes corinthiennes jumelées, niches à coquille et frontons rompus (1664), un à ailes en pierre enveloppant un pilier (XVIIè), un à six colonnes lierrées au premier tiers (XVIIè)...
peintures et fresque murales du XIIè et XIIIè siècles,
La vierge, Saint Michel, Saint Jean, Sainte Marguerite, Sainte Catherine (d'Alexandrie), Saint Roch, Saint Jacques et j'en oublie...tous en bois ou en pierre polychrome du XVIè ou XVIIè siècles,
et bien sûr, la pièce rare et la fierté du patrimoine : un buffet d'orgue (600 tuyaux) daté de 1590, époque Henry IV, restauré en 1990.
Si on appuie sur un bouton, on en écoute un extrait.
On peut acheter en face l'église (la maison avec des marches et plein de fleurs) un CD enregistré sur cet orgue d'oeuvres particulières ne demandant pas plus des 4 octaves que possède l'appareil .
L'association des amis de l'orgue essaie d'organiser chaque année un concert, et tout au long de l'année de recevoir les organistes célèbres de France qui passent dans le coin et veulent l'essayer.
Pour finir la journée, et passer du spirituel au matériel, rien de mieux que Choco-art, l'étonnante et originale exposition lancée à l'initiative de Monsieur Lambert, boulanger patissier à Bretoncelles et à Moutiers, jamais à court d'idées pour faire connaître les bonnes choses et en particulier le chocolat, et qui avait lieu dans la salle polyvalente du village.
Un monde fou, du chocolat de toutes les couleurs et de toutes les formes, à déguster ou à acheter. Films, expositions, parcours éducatifs pour les enfants, contes, ateliers variés, le succès est impressionnant. J'apprends que depuis ce matin, on a déjà dégusté et utilisé 450 kg de chocolat. Et la fête doit continuer jusqu'à demain soir !
Impossible quand on parle chocolat de ne pas rappeler Madame de Sévigné ("Je vous conjure, ma très chère bonne et très belle, de ne point prendre de chocolat. Je suis fâchée contre lui personnellement. Il y a huit jours que j' eus seize heures durant une colique et une suppression qui me fit toutes les douleurs de la néphrétique" )(Correspondance)
ou Fernando Pessoa, qui y trouvait le goût du souvenir et de l'enfance : " Un simple bonbon au chocolat peut me détraquer les nerfs, sous l’excès de souvenirs qui viennent m’ébranler. Mon enfance ! Et mes dents qui mordent dans la pâte sombre et moelleuse mordent aussi et savourent à nouveau les humbles joies du gai compagnon que j’étais pour mes soldats de plomb, ou du cavalier s’accommodant parfaitement du roseau transformé, pour l’occasion, en cheval. Les larmes me montent aux yeux, et je mêle à ma guise la saveur du chocolat, le bonheur passé et mon enfance perdue, tout en m’abandonnant voluptueusement à la douceur de cette souffrance. Sa simplicité n’ôte rien de sa solennité à ce rituel de mon palais". (Le livre de l'intranquilité)
Proust ("Une crème au chocolat, inspiration, attention personnelle de Françoise, nous était offerte, fugitive et légère comme une œuvre de circonstance où elle avait mis son talent." ou Maupassant ("Je ne pouvais ôter ma bouche des bords délicieux de sa tasse. Un chocolat à s'en faire mourir, moelleux, velouté, parfumé, grisant. ")
Sans pouvoir oublier non plus l'épisode du chocolat des Jésuites racontée par Saint-Simon (Tome3, chapitre 5 des Mémoires):
" En déchargeant les vaisseaux il se trouva huit grandes caisses de chocolat dont le dessus était : chocolat pour le très révérend père général de la compagnie de Jésus. Ces caisses pensèrent rompre les reins aux gens qui les déchargèrent et qui s'y mirent au double de ce qu'il fallait à les transporter à proportion de leur grandeur. L'extrême peine qu'ils y eurent encore avec ce renfort donna curiosité de savoir quelle en pouvait être la cause. Toutes les caisses arrivées dans les magasins de Cadix, ceux qui les régissaient en ouvrirent une entre eux et n'y trouvèrent que de grandes et grosses billes de chocolat, arrangées les unes sur les autres. Ils en prirent une dont la pesanteur les surprit, puis une deuxième et une troisième toujours également pesantes. Ils en rompirent une qui résista, mais le chocolat s'éclata, et ayant redoublé ils trouvèrent que c'étaient toutes billes d'or, revêtues d'un doigt d'épais de chocolat tout alentour; car, après cet essai, ils visitèrent au hasard le reste de la caisse et après toutes les autres. Ils en donnèrent avis à Madrid, où malgré le crédit de la société on s'en voulut donner le plaisir. On fit avertir les jésuites, mais en vain. Ces fins politiques se gardèrent bien de réclamer un chocolat si précieux; et ils aimèrent mieux le perdre que de l'avouer. Ils protestèrent donc d'injure qu'ils ne savaient ce que c'était, et ils y persévérèrent avec tant de fermeté et d'unanimité que l'or demeura au profit du roi, qui ne fut pas médiocre, et on en peut juger par le volume de huit grandes caisses de grandes et grosses billes solides d'or; et le chocolat qui les revêtait demeura à ceux qui avaient découvert la galanterie."