lundi 16 avril 2007 jour précédent jour suivant retour au menu
Emma Bovary encore une fois (no1)
ou : je n'imagine plus la tête d'Emma Bovary.

Ma plus vieille édition est celle format de poche cartonné rouge sous jaquette en rhodoïd, parue aux Éditions Gallimard et Librairie Générale Française, de 1961, mais que je n'ai lu la première fois qu'en 1963 ou 1964, à l'âge de 14-15 ans, quand je devais être en seconde à l'École Normale de Chartres.
Rien en couverture à part le titre et l'auteur. C'est important car on n'a pas d'image de l'héroïne avant de lire son histoire.
Je ne me souviens plus si j'étais tombé amoureux d'Emma et si j'avais fantasmé et rêvé faire l'amour avec elle en faisant le tour de la ville de Rouen pendant 5 heures dans un fiacre.
Sans doute, car quand même, 5 heures dans un fiacre, c'est quelque chose non ? (j'ai beau compter et recompter, le rendez-vous ayant été donné (par Emma) à onze heures dans la cathédrale, Léon étant en avance, si je compte les deux heures perdues à cause du connard de suisse poussant Léon excédé à traîner Emma de force sur le parvis et envoyer un gamin chercher un fiacre...il devait donc être déjà une heure de l'après-midi. Comme " vers six heures, la voiture s'arrêta dans une ruelle du quartier Beauvoisine,..." cela fait une partie de jambes en l'air d'au moins 5 heures. Pour qui connaît Rouen et son agglomération, le parcours suivi par ce fiacre et décrit par Flaubert le confirme amplement.
Certes " la promenade " se fait dans des conditions un peu difficiles, dans une " voiture à stores tendus, et qui apparaissait ainsi continuellement, plus close qu'un tombeau et ballottée comme un navire.", mais dure cinq heures quand même !
Que me fit à l'époque " la main nue qui passa les petits rideaux de toile jaune et jeta des déchirures de papier, qui se dispersèrent au vent et s'abattirent plus loin, comme des papillons blancs, sur un champ de trèfles rouges tout en fleur." ?
Trembler, frissonner, bander ? Le tout sans doute, envier Léon sûrement.

Aujourd'hui, lors de ma deuxième relecture (la première ayant eu place à San Francisco vers 1978 ou 79, j'avais presque 30 ans), il n'en est plus de même.
Entendons-nous bien : cette femme-là, cette héroïne-là, ne me plaisent pas. Je trouve Emma un peu conne et vulgaire. Finalement médiocre, comme le sont aussi les trois types qu'elle se tape (en comptant le mari) C'est bien connu, dans ce livre, tout le monde est médiocre, du mari aux amants, du curé au pharmacien, le tout pour finir sur une banale histoire de fric...!
L'interprétation satirique, ironique, pessimiste de l'oeuvre est bien connue, et Madame Bovary n'est qu'une rêveuse de province.
Madame Bovary, je n'arrive plus à m'en faire une image, et les trop nombreuses propositions me laissent de marbre. Il n'y en a aucune qui me plaise vraiment.
Ni sur les couvertures de livres (français ou de divers pays) :
Je répète. Je viens de relire ce livre et chose étrange, je n'ai pu m'imaginer cette femme, physiquement s'entend. Je ne vois plus Madame Bovary. Madame Bovary n'a plus ni chair ni os pour moi.
Je ne la reconnais pas dans les films non plus :
Ni dans la belle Jennifer Jones du film de Minnelli (1949), ni dans la Valentine Tessier du film de Renoir (1933),
Ni Isabelle Huppert (Chabrol, 1991) ni les anglaises des adaptations de la BBC...
Ni même dans la célèbre vedette du porno, Edwidge Fenech dont le rôle fut vendu sous de nombreux titres autour du monde...
Emma Bovary n'est plus aujourd'hui pour moi qu'écriture.
Il a donc fallu plus de 50 ans pour ce livre devienne pour moi l'exemple même du texte qui tue tout le reste et atteigne à mes yeux les sommets de l'écriture.
Je veux dire par là que si le personnage d'Emma ne m'a pas beaucoup intéressé (mais je connaissais certes son histoire avant même de commencer à la lire), le livre qui raconte son histoire m'a plus que jamais enthousiasmé et secoué.
Cette dernière lecture m'a permis de savoir ce qui me plaît dans l'écriture de Flaubert et qui fait que j'y ai un plaisir de lecture plus fort et plus durable et plus enviable qu'une nuit avec Emma Bovary.
Et rien que pour cela, cette relecture restera un des meilleurs souvenirs de mon séjour à Puilboreau, banlieue de La Rochelle.
Romarin, chocolat noir, romarin frais. Basilic & citron, chocolat blanc, bailic frais, zestes de citron frais. Viet-nam, chocolat noir, gingembre et c²itronnelle frais. Cuba, chocolat noir Cuba, éclats de fèves de Cacao.