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ma vie dans le Perche
Propos sur la littérature et la peinture.
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Vacances à Thiron-Gardais 23ème jour : ma longue marche dans la pierre
D'Amman à Pétra, pendant tout le voyage, mon chauffeur et guide français très sympathique, n'a pas arrêté d'écouter les cassettes de Françis Lalanne.
Nous sommes le lundi 27 février 1984.
Je viens de finir la semaine précédente mon exposition de peintures, polaroïds et poèsie au Centre Culturel français, et comme il me reste une semaine, avant de retourner au Bénin, je décide d'en profiter pour faire un peu de tourisme.
Pétra est bien sûr incontournable et est en premier sur ma liste où suivent, en Jordanie, l'antique cité de Jerash (parce que sans doute fondée par les soldats d'Alexandre le Grand, et parce qu'elle reçut la visite de l'empereur Hadrien en 129, qui a servi de modèle à l'autobiographie fictive de Marguerite Yourcenar que j'apprécie beaucoup et qui à mon avis est un de ses meilleurs livres) et en Cisjordanie Jéricho, Bethléem et Jérusalem.
En attendant, écouter en boucle Toi mon copain, Pleure un bon coup ma petite Vero, et Si tu te moques d'un mec qui pleure, sur la route du désert, avec pour seul trafic de longs convois militaires, ça fait un drôle d'effet.
Toute la journée, mon jeune guide m'a fait marcher et grimper partout dans ce site exceptionnel, et on a dû faire au total une bonne vingtaine de kilomètres. Une des plus longues marches de ma vie, mais avec bonheur et enthousiasme. Je ne savais pas que 24 ans plus tard, un président y viendrait en hélicoptère avec sa copine faire des photos pour Paris-match et autres magazines people, sous la surveillance de chiens policiers et confondant Disneyland avec l'un des plus beaux sites classés comme patrimoine mondial de l'Unesco.

Pétra a une longue histoire où se succèdent :
- une cité nabatéenne florissante au carrefour de l'Egypte, l'Arabie et la Phénicie (à son apogée elle compte 30.000 habitants),
- une conquête romaine (visite en l'an 131 de l'empereur Hadrien qui la nomme Petra Hadriana),
- une quasi destruction (violents tremblements de terre en 363, 419, 551 et 747),
- un abandon progressif,
- l' oubli,
et sa redécouverte à partir de 1832 par Jean-Louis Burckhardt, un voyageur suisse déguisé en arabe et qui se faisait appeler Cheih Ibrahim.
Pétra est aujourd'hui un ensemble de ruines monumentales uniques au monde qui vont des tombeaux creusés et sculptés dans la roche dont certains sont célèbres dans le monde entier), au théâtre romain de 5000 places, en passant une église byzantine ou autres temples, restes d'aqueduc, citernes, barrages, capables d'amener et recueillir les eaux de pluie et des sources jusqu'à la quantité incroyable de 40 millions de litres par jour, permettant vie humaine, élevage et cultures dans dans cette région désertique, et de transformer Pétra en une oasis incroyable.
Car ce qui frappe d'abord jusqu'à l'émotion, c'est d'abord la montagne, la cuvette où vécurent ces gens dans un endroit caché et inaccessible au départ. Une roche dure, composée de grès colorés qui vont du rose au bleu, en passant par tous les dorés que la lumière distribue surtout en fin d'après-midi. Pétra est un des endroits au monde où j'ai senti le plus fort ce qu'est la géologie.
De toute façon, pour entrer dans Pétra, comme pour oublier d'où l'on vient, il faut d'abord, passage obligé, entrer dans la roche. C'est ce long canyon impressionnant profond de 200 mètres, appelé le Siq et qui débouche, splendeur, sur le Khazneh, tombeau le plus photographié de Pétra.
.
J'ai fait une centaine de photos et une centaine de polaroïds et il n'est donc pas question de faire un cours ou une visite archéologique, qui existent très bien faits en livres ou sur Internet.
Je veux juste remarcher un peu dans cette roche, me rafraîchir à l'ombre des tombeaux, refaire le long chemin taillé dans la roche pour arriver devant le Deir, et entendre le peuple sur la voie romaine acclamer Hadrien.
Photos choisies (points rouges sur la carte):
- la tombe Renaissance, baptisée ainsi à cause de similitudes avec l'art italien,
- la façade des tombeaux, typique de l'architecture nabatéenne qui exprime les influences assyriennes et égyptienne,
- le tombeau du jardin,
- les obélisques (Haut lieu nabatéen de culte en plein air),
- le Der, avec son mélange de styles, caractéristique de la fin de l'époque hellénistique,
.
Dans Coke en stock, le petit bonhomme et son chien ont eu tort de louer un âne.
Il faut marcher et marcher encore.
Buter sur les pierres, entendre ses pas fatigués sur la roche, s'éponger la sueur sur le front, crever de soif, se demander encore ce qu'on cherche là...
Alors on arrive peut-être à entendre la foule qui acclame l'empereur Hadrien en l'an 131 alors qu'il défile triomphal sur la voie romaine, dans le bas de la vallée.En attendant on peut s'entraîner au soleil devant le Der, ou à l'ombre du khazneh (tiens, il y a des baraques maintenant !
On peut aussi comme Hercule Poirot, y chercher les indices des meurtres qui s'y sont commis dans La perle de grand prix (1934), et Rendez-vous avec la mort (1937) d'Agasta Christie, qui avait visité Pétra avec son second mari.
On peut aussi lire le livre de Christian Augé et J.M.Dentze, qui en retrace l'histoire (Pétra, La cité des caravanes, collection Découvertes chez Gallimard).
Je ne mentirai pas aujourd'hui, en disant que je suis triste quand je regarde la dizaine de vidéos sur youtube, et m'aperçois que ce qu'une fondation américaine présidée par Federico Mayor, ancien directeur de l'Unesco, a choisi, dans une liste qui contenait 21 sites ou bâtiments, situés dans 21 pays, après cent millions de votes (sur l'Internet mondial) comme une des 7 merveilles du monde (classée en deuxième position après la grande muraille), est désormais envahi par des hordes incroyables de touristes (exemple) et qu'il y a maintenant des baraques de cartes postales et souvenirs au pied de chaque tombeau .
Nous y étions quasimment seuls il y a 24 ans, et à l'intérieur il n'y avait aucune baraque à souvenirs. Comme partout, il ne faut donc pas y aller quand c'est la saison touristique, ni en période de vacances donc.
Où alors, faites comme Nicolas Sarkosy, faites vous inviter par le roi Abdallah II dans sa résidence d'Aqaba. Et encore, ! À regarder de près, c'était un sacré bordel .
Décidemment, je me sens de plus en plus d'un monde qui n'existe plus et qui ne reviendra pas.