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Dix ans, un an, aujourd'hui.
Intimité.

Dix ans
Quand j'ai commencé ce journal le lundi 1er novembre 2004, sous le titre JOURNAL DE JEAN CLAUDE BOURDAIS, sous-titré : The Nogent le Rotrou Times ou Bourdaily on the Web (on peut encore en voir la page originale ou la même remaniée plus tard, quand j'ai essayé de remettre un peu d'ordre et de cohérence dans l'ensemble) je n'imaginais pas l'aventure dans laquelle je m'engageais.
Commencé parce que je me demandais bien comment, venant d'emménager solitaire et couche-tard chronique, j'allais passer mes nuits dans cette ville morte dès 7 heures du soir, ce journal était une possibilité : raconter ma vie dans cette petite sous-préfecture eurélienne.
C'était une bonne solution quand beaucoup de gens à cette époque ouvraient un blog et découvraient la puissance de l'hypertexte et de ses liens magiques.

Le résultat fut inespéré tellement vite j'ai pu nouer et rencontrer certains de mes lecteurs devenus fidèles mais aussi d'autres qui comme moi croyaient en cet outil et cette forme de communication (je pense au trio infernal d'alors : F. Bon (et son tiers livre), P. de Jonckheere (son Désordre et son bloc-note) P. Rebollar (Berlol avec son blog et ses sites satellites) et tant d'autres comme Marie Thérèse Peyrin (connue alors sous le nom de Marie Pool)...) Je sais ce que je leur dois.
Bilan tout à fait positif et inespéré à mes yeux, ce fut selon un adjectif que j'ai beaucoup utilisé : formidable.
Pour les vieux complices :



Il ne s'agit pas là de récapituler ou de se souvenir de ce qui est arrivé dans le monde ni même dans ma vie personnelle pendant ces dix ans. Je n'y vois aucun intérêt pour personne. Comme écrit Pierre Bergounioux : Il n'est rien de plus indifférent au monde que notre présence au monde.
De plus la mémoire qu'il me faudrait diminue et n'est plus fiable. Elle s'agite comme les particules de la physique quantique et son principe d'incertitude (on ne peut savoir en même temps la vitesse et la position d'une particule) et sa vision d'un réel qui n'existe pas (le réel est la somme de tous les possibles, donc de tous les imaginaires aussi).
Le sens de la vie n'est que celui qu'on veut bien y donner, et si on n'a pas eu les moyens ou les capacités (le courage) de le choisir, chaque vie ne sera que la conséquence et le jouet des idées ou des forces dominantes (ou valeurs) de notre histoire (personnelle, familiale, économique, politique...) et de notre époque.

J'ai survécu comme depuis longtemps en m'adonnant à une ou deux activités dont je ne me lasse pas et qui sont à la fois mon oxygène et mon carburant, comme la lecture, l'étude sans cesse renouvelée et infinissable de quelques sujets toujours les mêmes (astrophysique, fonctionnement du cerveau, théorie quantique, histoire de la peinture, philosophie, littérature...) et mes distractions qui sont toujours les mêmes (essentiellement films, que ce soit au cinéma, à la télévision ou en DVD et ma chère station de radio France culture).
N'ont compté et ne restent dans ma mémoire de plus en plus déficiente que les livres ou les oeuvres découvertes (la plupart du temps par le réseau conseil des amis comme celles de Juliet, Bergounioux, Sebald, Bolano, Yourcenar, et récemment F.Jullien, mais la liste est longue), certains voyages, certains paysages, certaines musiques, et tout ce que j'ai pu partager avec mes trois filles et les personnes que j'aime ou que j'ai aimées.

Sont oubliés les difficultés financières, les problèmes de santé et toutes les "merdes quotidiennes" ou méchancetés des autres (la plupart provoquées par un manque d'écoute, des quiproquos ou des ego mal placés. Comme disait Céline : Les gens sont méchants parce qu'ils sont malheureux.
J'ai survécu.

Je devrais profiter de cet anniversaire pour changer le style de cette page et sauter sur l'occasion. Je sais tous les logiciels qui sont apparus en 10 ans et qui permettent de réaliser en ligne des merveilles (dans le meilleur des cas), mais je continuerai à taper ma page en html, et garderai ce qu'on peut appeler un principe ou un look ringard. Il y a là une certaine bêtise car je sais et j'ai imaginé ce que j'aurais pu faire. Mais j'ai de plus en plus de mal à faire ce que je n'ai pas envie de faire et j'ai tendance à mesurer mes efforts techniques. Ainsi donc soit-il !
Mais j'ai donné , il y a certes longtemps.
exemple 1.
exemple 2.
exemple 3. (pour la carte active, résultat d'un mois de travail)


Un an
Un an que je n'ai pas fait de pages sur mon journal en ligne, non pas parce que j'avais décidé de l'arrêter (cela aurait pu être par manque de temps, par flemme, ou d'idées...) mais tout simplement parce que je n'avais pas envie de me forcer par je ne sais quelle habitude ou obligation. Mes lecteurs fidèles l'ont compris et heureusement ont gardé souvent contact avec moi par mails... Mais il est vrai que chaque jour a eu sa page doublement virtuelle (tiens, aujourd'hui j'aurais pris tel sujet pour faire ma page, je me serais intéressé à telle peinture, ou commenté tel fait d'actualité...). La seule chose qui m'a manqué (ou qui fut légêrement frustrante) c'est le partage de ce que j'aurais trouvé dans mes recherches, le plaisir d'offrir le résultat d'un travail.
Disons simplement que j'ai préféré passer mon temps quotidien occupé à autre chose (car faire une page me demande plusieurs heures).
Je n'ai toujours pas décidé d'arrêter ce journal et le clore, ce que j'aurais annoncé clairement et que je ferai si cette décision arrive un jour mais j'avoue aussi, qu'il n'est plus dans mon vital, comme il l'a été à une certaine époque quand je devais affronter (plus ou moins bien) trop de problèmes personnels, et qu'il me servait d'échappatoire. Je remercie ils s'en doutent tous ceux qui m'ont écrit de temps en temps pour me demander ou me donner des nouvelles... Ils et elles se reconnaissent.
Alors , que s'est-il passé cette dernière année ? Rien et plein de choses à la fois, du bon et du mauvais, de l'agréable et du pénible, du vide et du plein, du manque et du trop plein, du quotidien et du rêve. du désir et de la frustration, mais il m'en reste une impression d'énergie.
Pour rester debout, ne pas se laisser aller, rester vivant, arrêter de se plaindre pour n'importe quoi, chose certes typiquement hexagonale mais qui devient à notre époque (entre autres à cause de la caste médiatico-politico économique qui nous dirige et remplit notre cerveau de valeurs et de jugements qui n'en sont pas) de plus en plus insupportable de futilité. Comme dit Pierre Bergounioux dans son dernier ouvrage (Un écho lacunaire, Fata Morgana, septembre 2014), et ce sont les dernières phrases du livre : "Je ne sais. Je n'ose me prononcer. mais je trouve peu vivifiant, pour parler doucement, l'air que je respire."
Dernière année avec aussi heureusement des évènements qui font des bons souvenirs, même si je crois qu'on n'a de souvenirs qu'au présent, et qu'ils ne sont que ce qu'il en reste sur le moment, ce qui revient presque à les inventer, ce qui fait la différence aussi entre un souvenir et une trace (photo, lettre...).
Berlin avec mes filles Léa et Charlotte.
Je voulais depuis longtemps, pendant que c'était encore possible qu'elles voient un de mes opéras favoris.
Mars 2014.


Aujourd'hui
Indécrottablement immature, je suis empli d'une joie profonde dans un monde inquiétant, sur une planète et une nature mises en danger et malmenées par une des espèces vivantes qu'elle héberge et qui s'en croit propriétaire. Mais ce monde là me pénètre me traverse et continue de me donner envie, et j'ai besoin de le partager avec d'autres.
Je sais mon existence limitée dans le temps et que rien ne dure, ni même notre étoile et sa galaxie. Qu'importe, cela n'est source d'aucune angoisse ni regret chez moi. J'espère simplement que mon corps (un peu malade et plus très fiable) ne capitulera que le plus tard possible de préférence aussi quand j'estimerai que cela suffit.
Chaque jour qui commence est une aventure. Je la vis comme je peux avec mes moyens (essentiellement intellectuels certes et parfois c'est dommage) et mon temps passé (plus de 65 ans maintenant) fait que mes méditations et ressassements tournent autour de quelques sujets comme autant de miettes qui furent posées sur ma planche il y a déjà bien longtemps (l'art en général (l'écriture et la peinture en particulier), le sentiment amoureux, le temps, le sens de la vie d'un individu et la part des autres dans ce qu'il est). Sartre que pourtant je n'aime pas ni comme auteur ni comme individu a dit : l'homme n'est autre que ce qu'il se fait que Truffaut aimait répéter par : l'homme n'est que ce qu'il fait de ce que les autres ont fait de lui.
Je ne suis que vivant (mais c'est TOUT) et enfin dans mon présent. J'ai de moins en moins besoin de traces ou de preuves. Je ne crois plus en une quelconque vérité. Je reste vivant (je me sens vivant) car alimenté par des gens que je rencontre ou quelques amis avec qui je peux avoir des relations d'intimité qui m'enchantent, par l'amour de mes filles (qui sont ce que je dis pompeusement et bêtement être la seule chose bien que j'ai faite dans ma vie), et par des livres, c'est-à-dire encore d'autres personnes qui celles-là prennent la peine d'écrire et qui en ont fait un choix de vie. Ce partage-là fait que je n'ai de regret pour rien, que j'oublie tout ce qui me déplait et accepte tout ce qui fut échec ou déception, et que je laisse les autres vivre leur vie comme ils l'entendent (souvent comme ils le méritent).
Je ne fréquente presque plus personne, (...) et suis de moins en moins invité, heureusement, et je le comprends. Les gens ne supportent pas qu'on dise ce qu'on pense de leurs oeuvres, puisque tout le monde aujourd'hui a son blog, fait des photos, des vidéos, et se croit ou prétend artiste... Les couples mariés sont le plus souvent catastrophiques et sclérosés et pervers même, coincés par leurs horaires et une vision politiquement correcte et peu courageuse. Peu de gens supportent un autre point de vue que le leur... Beaucoup ne laissent aucune chance à l'intime (comme F. Jullien en parle (De l'intime, Loin du bruyant Amour, le livre de poche, biblio essais)).
Je les laisse donc vivre. Mais fini pour moi tout ce temps perdu dans ces soirées plus ou moins mondaines quand chacun parle sans écouter les autres, fait son intéressant, nous montre ses dernières acquisitions (possessions) et boit en se répétant qu'est-ce qu'on se marre, se rassure comme il peut de ce bruit qui meuble le silence et couvre les peurs, les névroses ou l'ennui.
Il est difficile de construire sa pensée et de devenir et d'accepter enfin, peut-être, ce qu'on est devenu ou simplement ce que l'on est.
J'ai refait ma cuisine et " la salle du fond ".

J'ai accepté d'être pour l'association Labelfriche le directeur artistique de sa galerie pour l'année 2015 (et de refaire son site),
Les livres que je lis en ce moment sont ceux-là :
... et j'ai décidé de faire capillaire court.

" Perdue entre le trop et le trop peu à dire, l'approbation de la vie demeure à jamais indicible ; toute tentative visant à l'exprimer se dissout nécessairement dans un balbutiement plus ou moins inaudible et inintelligible."
(La force majeure, Clément Rosset)
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