Journal de Nogent le Rotrou
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ma vie dans le Perche
Propos sur la littérature et la peinture.
Lundi 16 octobre 2006 jour précédent jour suivant retour au menu
L'abbé de Rancé.
Une histoire comme je les aime.
4ème partie (début) :La Trappe, la Trappe, C'est quoi la Trappe ?
(On peut relire les 3 premières parties : La belle et l'abbé, De quoi perdre la tête, Que faire ?)

 Prise d'habit de Rancé le 13 juin 1663, gravure de chez rochefort, 1708Quand Armand-Jean Le Bouthillier de Rancé arrive à Soligny la Trappe, il est le commendataire de l'abbaye depuis l'âge de 10 ans,(ayant succédé à son frère aîné François-Denis qui lui même avait succédé à son oncle Victor le Bouthillier), mais il n'est pas abbé régulier.
Il voit l'état lamentable où l'abbaye se situe et commence à essayé de redresser la barre dès 1662. Il a 36 ans.
Il doit attend l'autorisation du roi pour devenir abbé régulier, ce qui est bientôt fait.
Le 13 juin 1663, il prend l'habit cistercien à l'abbaye de Perseigne, où il doit passer encore un an obligatoire comme novice.
On peut donc vraiment dire maintenant que Rancé s'est converti et que son choix est définitif, 6 ans après la mort de la belle Marie de Montbazon.
L'abbaye de Perseigne, dans la Sarthe, à une quarantaine de km de Nogent le Rotrou est aujourd'hui totalement en ruines, mais dans les brochures touristiques, on rappelle toujours que c'est là que l'abbé de Rancé a fait son noviciat.
Ce séjour est capital car c'est là qu'il connut l'ordre de Cîteaux et vécut selon la règle de Saint-Benoît, et qu'il décida avec des moines réformateurs de relever le niveau et arrêter une certaine dégradation... C'est de Perseigne que Rancé fit venir des moines à la Trappe pour la rénover et imposer la réforme pour revenir à l'esprit primitif de la règle de Saint Benoît (après avoir viré les moines qui étaient en place, et se laissaient plutôt vivre...).
Ce sont c(s)es efforts qui aboutiront à la création de l’Ordre cistercien de la stricte observance, ou trappistes, qui fut reconnu en 1678 par le pape Innocent XI).
Quand le 14 juillet 1664 l'abbé de Rancé entre comme abbé régulier à la Trappe, L'abbaye ne ressemble pas à ce que l'on voit aujourd'hui.
1- Faut dire que c'est déjà une vieille abbaye avec une longue histoire quand il y arrive.
Entre 1120, date de sa création, et 1664 (arrivée de Rancé) on peut résumer :
- 1120 : première Maison-Dieu de la Trappe, sans doute simple relais pour pèlerins. l'endroit est difficile d'accès. Forêts, sols marécageux, bourbeux, envahi de ruisseaux, mauvais taillis ... Le nom de la Trappe vient sans doute de Trappa, d'origine francique, désignant un lieu de chasse giboyeux (Saint-Simon s'en plaindra plus tard)
- 1140 : véritable abbaye, soumise à la règle bénédictine, sans doute sur la volonté de Rotrou III. Il fait construire une église, fait venir des moines du diocèse d'ÉVREUX puis du Calvados. L'endroit difficile est choisi avec précision voire politique et économie. les moines d'un côté doivent se sentir en retraite, à l'écart du monde, dans des "solitudes " ou déserts. Ils ne doivent déranger personne, et bosser dur pour mettre en valeur les terres, les drainer, construire digues et étangs, semer et récolter pour survivre (et payer leurs redevances en nature).À La Trappe on a capté à 700 m de l'abbaye une source potable, construit un moulin...
et cetera. Guerre de 100 ans,vols, incendies, pillages, ruines...
2-Quand Rancé meurt à La trappe, le 27 octobre 1700, l'abbaye ne ressemble pas plus à celle d'aujourd'hui.
- À la révolution, après plusieurs tentatives de rester une exception, La Trappe est déclarée maison commune pour le département de l'Orne.
Les moines quittent les lieux le 1er mai 1791, et partent, en chariots bâchés vers la Suisse (Chartreuse de la Valsainte). En 1792, ceux qui n'étaient pas partis furent expulsés, vers leurs familles ou autres monastères en Europe.
La Trappe devient une carrière de pierres.
- Après le Concordat de 1801, certaines tentatives de réimplantation furent vouées à l'échec..Napoléon est irréductible. Un décret impérial du 28 juillet 1811 supprime tous les monastères trappistes de l'Empire.
- Il faut attendre le 6 décembre 1815 pour qu'une pauvre et petite communauté venue de Suisse s'installe dans l'abbaye ruinée.
- Après moult galères et épisodes, grâce à la forte personnalité du supérieur dom Joseph Hercelin, on se lance dans la reconstruction du monastère en juillet 1829. Interruption des travaux par la révolution de 1830, reprise en 1831 et consécration de l'église le 30 août 1831. 20.000 visiteurs la semaine suivante.
Au fil du temps la Trappe va devenir une grande exploitation agricole.
On parle de " la grande-Trappe ". Louis Philippe fait une visite le 2 octobre 1847 (il avait voulu y venir quand il était à la Ferté, dont il était le propriétaire depuis 1826, mais les routes étaient trop mauvaises à ce moment-là, et avait du attendre qu'on refasse la route)
Au fil du temps, la Trappe va devenir une grande exploitation agricole, mais se faire aussi pharmacie, chocolaterie, lycée agricole, hôtel, imprimerie, orphelinat...
L'agroalimentaire sera très diversifié : farines alimentaires de mais, de riz, de fèves, de châtaignes, produits maltés, thés, cafés..., quinquina...on vend aussi les vins et liqueurs des Pères Blancs d'Algérie... on peut parfois douter de l'origine. On livre à l'extérieur, chez des dépositaires. On fait de la publicité (avec les meilleurs publicistes de l'époque), des affiches, des assiettes.
On s'est modernisé : roues hydrauliques, moteurs à vapeur de 12 chevaux ! À Paris, au début du siècle, une bonne dizaine de magasins sont spécialisés dans les produits de la Grande-Trappe !
.....
- Pendant ce temps, on a pris le temps de reconstruire (de 1885 à 1895), un monastère flambant neuf. Aux fêtes d'août septembre 1895, c'est le grand spectacle.
On inaugure et bénit un chemin de fer. Il y a 450 couverts dans la grange. Durant neuf jours ce sont 20.000 visiteurs quotidiens qui défilent. Ils vont de Soligny au monastère par le train nouvellement installé (construit pour une histoire vraie de fausses mines de kaolin...qui fit scandale plus tard)
Je passe sur la guerre de 14-18 (26 des membres de la communauté furent mobilisés, et certains n'en reviendront pas. Une partie de l'abbaye sert d'abri pour les militaires blessés, la chocolaterie est déclarée usine de guerre. Ce qui fut une mine d'or déclarera faillite en 1934.), et sur la guerre de 40 ( résistance, réquisition par les allemands en 42-43, puis pas les SS en 44...).
Je noterai trois dates importantes qui modifièrent la physionomie du monastère :
-mai 1976 : ouverture du monastère à tout fidèle pour les cérémonies (messes...), ainsi que l'hôtellerie aux personnes des deux sexes.
- 1987 : exploitation d'un troupeau de vaches laitières,
- 1998 : ouverture d'une librairie et d'un magasin de produits " monastiques".
3- Quand on va à la Trappe aujourd'hui :
C'est l'église, consacrée en 1895 que l'on voit.
Toujours occupée par des moines, elle ne se visite pas SAUF la journée annuelle du patrimoine, où on a le droit à une visite guidée, ce que j'ai fait cette année.
Sinon on ne peut entrer que lors de la messe. Le magasin lui, situé sur les côtés est ouvert chaque jour en été. le reste aux moments des offices et le dimanche. On peut bien sûr aussi s'inscrire à leur hôtellerie située dans la cour d'entrée, pour une retraite de quelques jours. repas ensemble et en silence. Il y a une quarantaine de chambres.
On peut voir aussi un film sur l'histoire et la vie des trappistes.
On peut aussi demander le gîte et le couvert pour un soir et pour une nuit, si on est " sur la route ".
Dans un endroit à l'écart (bergerie), certains groupes (ex les scouts) peuvent être acceptés pour se réunir, le temps d'une journée.
style néo-gothique en vogue à la fin du dix-neuvième siècle, et que je n'aime pas trop.
L'ensemble, vu d'avion ou de l'étang a une certaine allure quand même.
Beaucoup de mal pour imaginer Rancé dans ces lieux.De loin c'est pas mal, en pleine campagne. la tour à droite est celle de la ferme de l'abbaye.
Et oui, style néo-gothique, ça fait un peu béton !
Première cour avec l'hôtellerie à droite.
On passe le porche et on débouche devant l'église.
On entend souvent qu'il ne reste rien de La Trappe médiévale, c'est faux.
Un peu plus loin, reste, oh surprise, un bâtiment du XIIè siècle, le seul de cette époque. Il reste un bâtiment longtemps oublié car n'ayant pas de gueule, assez délabré et en piteux état.
Mais à l'intérieur il reste deux salles splendides, sur lesquelles les historiens, les architectes, les gens des Monuments historiques, de la Drac...se battent sur deux points :
- quoi en faire ?
- pas de sous pour le rénover,
Le moine guide dit que pourtant la Trappe serait d'accord au public pour l'ouvrir dans le cas d'un espace culturel.
Il y a deux salles splendides, qui furent, on n'en sait rien, hôtellerie, brasserie, grenier, boulangerie, moulin ... Restent des traces qui montrent que c'était cloisonné et qu'il y eut un plafond et un étage...
J'y vois bien une bibliothèque,
une salle de lecture,
de rencontre, pour pas trop de gens...
de conférence, là encore pour les gens que cela intéresse...
C'est quand même incroyable qu'il n'y ait pas les sous. Ils sont bien quelque part. En fait, c'est parce que ça n'intéresse personne.
Des sous, ils doivent pourtant en gagner pas mal au magasin, pardon à la boutique.
Librairie d'enfer (j'aime ce mot d'enfer dans cet endroit) , pas seulement catholique ou cistercienne. Y'a un peu de tout, et surtout des livres qu'on ne trouve pas ailleurs, super spécialisés, pour tous ceux qui se ramonent le cerveau ou se posent des problèmes sans réponses. Les mystiques, les inconnus solitaires qui se sont coltinés le désert de la page blanche...
Et puis l'alimen-taire : pas de description, c'est fou ce que les moines aiment bien manger et boire, et de bonne qualité. n'ont pas raté le coche du biologique !
Avec tout ce que vous avez besoin en chaînes or ou plaqué, médailles, Cd, cassettes vidéo, livres d'enfants, statues, cartes postales, cartes, chemins de randonnées... J'en passe et des meilleurs !
Mais le plus extraordinaire est la salle d'exposition attenante au magasin. Il y a dedans deux visionneuses de plaques de verres d'antan, et qui permettent de voir en relief des clichés pris au début du siècle. J'ai eu du mal à en décoller Léa, Charlotte et Sandrine H.
Je vous ai prévenu, ouvrez vos yeux !
Approchez-vous, je vous dis. Vous allez voir...