Journal de Nogent le Rotrou
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ma vie dans le Perche
Propos sur la littérature et la peinture.
Vendredi 20 octobre 2006 jour précédent jour suivant retour au menu
Il y a notes et notes...

Je parle de celles que l'on prend.
Pas de celles que l'on écoute ou que l'on inflige aux élèves (pour leur dire s'ils sont bons ou mauvais, comme si ils ne le savaient pas dès le début ! bons ou mauvais ne voulant bien sûr rien dire en soi), ni celles de service qui tombent dans votre boite dans la salle des profs, et qui vous annoncent plus souvent des restrictions, nouveautés ou décisions douteuses que des bonnes nouvelles, ou qui sont aussi parfois des rappels à l'ordre ou correctrices de laisser-aller ou mauvaises habitudes prises.
Non, je parle des notes de lectures que l'on écrit dans la marge ou tout simplement sur un papier qui est là un peu par hasard à côté de vous, à ce moment-là.
Juste par le fait d'être là il vient, sans le savoir, sinon de la sauver, obtenir une prolongation de sa vie, une remise de peine avant de devoir finir dans la poubelle. Car la note dans ces cas-là, est dans mes intentions, en attente d'être relue et recopiée dans un endroit " un peu plus sûr" (quand à la possibilité d'être conservée, donc retrouvable, plus longtemps). Écrite directement sur le document, elle indique que je ne veux pas oublier cela, que je crois devoir y revenir un jour, faciliter une éventuelle recherche future.
Mes notes de lecture indiquent souvent que ces phrases-là ou que ce passage sont importants pour moi, c'est-à-dire " me causent ", que j'approuve ce qui est dit, (avec parfois une jalousie de ne pas avoir trouvé moi-même cette énonciation-là).
La note indique que j'ai trouvé chez l'autre ce qui me concerne.
Merci les écrivains ! Que ferais-je sans vous ?
Catherine, premier livre de Pierre Bergounioux.
Chaque note est aussi la trace de la lecture du livre. Elle me rappelle souvent où et quand, dans quelles conditions j'avais lu ce livre, donc aussi ce qui me concernait à l'époque. Des traits de travers indiquent par exemple que mon support de lecture n'était pas stable (volant de la voiture, lit inconfortable...), la taille de l'écriture, sa calligraphie me sont porteuses d'indications personnelles...
Catherine, premier livre de Pierre Bergounioux.
Dans cet exemple, le plan de la lettre que le narrateur va écrire à sa femme Catherine qui l'a quitté ne peut que m'intéresser. Il y a 40 ans que je veux écrire une lettre de ce genre à une Catherine, exilée depuis 40 ans...une lettre risque-tout (dans le livre de Bergounioux, la réponse de Catherine déterminera ou non le suicide du narrateur.) Comme on pourrait dire familièrement, ça passe ou ça casse.
Lire le plan de sa lettre m'était bien sûr " causant ", moi qui triture la mienne depuis si longtemps. (Un autre exemple est une lettre à Charles Juliet que je lui écris, sans arriver à le faire, depuis 30 ans...).
Si un jour j'écrivais cette lettre à Catherine, les notes en haut de page me feront retrouver facilement les pages concernant cette lettre et son plan de construction, que j'avais trouvé valable puisque j'ai indiqué " bon prof de français ", me faisant réentendre encore : Faites un plan bon sang ! Un plan ! un plan ! C'est facile à comprendre non ? Un plan ! Bourdais, un plan !
Jeune, je trouvais sacrilège d'écrire sur le livre. En vieillissant, peut-être à cause d'une mémoire qui commence à me jouer des tours, j'en prends de plus en plus, me dit que le livre n'est aussi qu'un objet de papier, qui sera au mieux mis en salle des ventes quand je serai mort.
Mes notes seront un " coucou" de l'au-delà vers le lecteur suivant. Alors, pourquoi se brimer sur des idées venues d'on ne sait où ni quand, et ne pas joindre l'utile à l'agréable...Mais petite libération seulement : suis incapable de les écrire avec autre chose qu'un crayon à papier. On voit que la possibilité du gommage et de l'effacement restent, et que c'est encore " plus fort " que moi : l'objet livre possède une aura qui me force encore le respect.
La preuve, c'est que quand je vois un enfant abîmer ou maltraiter un livre, ça me fait mal et ça me hérisse le poil, comme un mauvais grincement de dents.
En fait aujourd'hui je voulais parler de notes d'audition.
Celles que j'ai prises au dos d'une enveloppe d'une bonne amie (qui écrit donc encore à la main) et qui se reconnaîtra j'en suis sûr, en écoutant (et enregistrant)François Bon répondre à Veinstein sur France culture. J'avais hâte d'entendre ça, l'association des deux voix, et surtout voir comment Veinstein allait comme d'habitude essayer d'enrober son invité. Je ne dis pas ça méchamment, et sans critique : il le fait très bien. Mais à chaque fois, ça me fait rire. On dirait que les deux viennent de coucher ensemble et qu'ils se murmurent des complicités et des secrets insensés au beau milieu de la nuit (car Veinstein est indissociable pour moi de la nuit, le titre du jour au lendemain veut bien dire ce qu'il veut dire)!
François Bon s'en est bien sorti (des griffes de velours de Veinstein), étant concentré et sachant ce qu'il avait à dire à propos de Tumulte, mais aussi de la littérature et de son travail personnel, prêt à répondre à Veinstein dans le cas où y' avait à dire... mais décidé aussi à dériver d'une chose à l'autre, d'un auteur à l'autre, comme il aime le faire, procéder par cercles ou spirales...de Kafka à Michaux, de Borgès à Huxley, passant de l'attentat de Londres, à un cercueil à Venise...Je me frottais les mains et souriais doucement.
(même si je n'ai pas compris ce qu'il a voulu dire sur la poésie, ni quelle était sa posture exacte).
Étonné enfin qu'au départ il ne voulait pas publier tous les textes (227), et que cela ne fut fait qu'à la demande de l'éditeur, rejoignant en cela Bergounioux et son Carnet de notes (tiens encore des notes), prêt à faire un choix (un tri) mais à qui Verdier avait demandé de tout publier.
J'en ai retenu et noté plusieurs phrases importantes pour moi (non non, je ne les dirai pas, allez écouter les vôtres !). Mais à noter quand même, qu'on ne parlait pas beaucoup, finalement de Tumulte. Pas étonné : j'ai vu à Melle, comment dans une lecture annoncée de Dewaoo, François B. avait réussi à n'en lire que deux phrases, entraînant les auditeurs (spectateurs) dans un tour du monde passionnant et sans fin...le livre ouvert à la main.
Et ce fut donc un bon moment de la journée.
Que demander de plus un vendredi soir ?
...Et prendre des notes pour ne pas oublier demain de dire...