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L'album d'avril 2010
ou : une certaine contradiction.
Le temps qui me reste est plus important que le temps passé.

Dimanche 4 avril 2010, Saint-Malo, 3h44 du matin.
J'accompagne Anne et son amie dans une boite de nuit.
Pour voir, parce que je n'y suis pas allé depuis au moins 15 ans, parce que je n'ai pas envie de dormir, pour éventuellement faire des photos, pour ne pas être seul, parce que j'aime la nuit...Parce que je ne sais pas pourquoi.
Je ne sais pas danser, je n'aime pas les boites de nuit, je n'ai pas envie de rencontre, je n'aime pas draguer, je n'aime pas voir les autres draguer...Mais j'y vais. Allez comprendre quelque chose.
Visiblement, des fois on fait des choses sans savoir pourquoi.

4 avril 2010, Saint-Malo, 6h10 du matin.
Nous rentrons, épuisés mais en forme quand même.
Ne pestant que contre moi-même d'avoir oublié un crayon pour noter certaines impressions qui ne sont maintenant que phrases perdues à jamais.

Dimanche 4 avril 2010, Saint-Malo, 9h45.
Marche solitaire vivifiante sur les remparts .
C'est fou l'impression que peut nous faire notre vie à certains moments et le nombre de questions sans réponses qui nous traversent la tête.
Sorte de plaisir étonnant d'être là à cette heure-là, sachant que toute la maison hôte va dormir jusqu'à midi.
Toujours eu plaisir à être là où je ne devrais pas être.

Dimanche 4 avril 2010, Combourg, 14h45.
Grosse bâtisse noire et lourde où même dans le parc, je ne ressens rien de Chateaubriand.
Faut dire que je ne suis pas dans un mood romantique et que je m'ennuie à mourir.
Certes lui-même a parlé "des deux années de délire" passées là et il n'a jamais dit de cet endroit qu'il était formidable :
"C'est du bois de Combourg que je suis devenu ce que je suis, que j'ai commencé à sentir la première atteinte du mal que j'ai porté le reste de ma vie, de cette vague tristesse qui a fait à la fois mon tourment et ma félicité, c'est là que j'ai cherché un cœur qui pût entendre le mien… "

Dimanche 4 avril 2010, Vitré, 17h12.

Vieille ville certes, avec quelques ruelles exotiques mais le château est fermé à la visite exceptionnellement aujourd'hui !
Gros coup de blues à déambuler avec les quelques touristes désabusés qui se défoulent avec les cartes postales bretonnes.
Beau décor certes, mais où aujourd'hui je n'ai pas d'acteurs ni de personnages à y imaginer ou à entendre.
Mais bon, cela ne m'étonne pas, c'est mon problème avec les dimanches !

Lundi 5 avril 2010, Thiron-Gardais, La Chambrie, 14h17.
Repas chez mes voisines.
.....
Premier oeuf de Pâques que je mange cette année.
A. ne se rend pas compte à quel point je ne suis pas bien mais combien ce repas m'a au moins fait penser à autre chose.
Des vertus de la distraction.

Mardi 6 avril 2010, un patelin dont j'ai perdu le nom, 13h15.
J'en ai parlé déjà une fois. A la relecture, je ne rajouterai que : mais d'où vient ce besoin de toujours vouloir savoir ce qui s'est passé là ? Nous faut-il toujours prendre possession d'une histoire pour l'intégrer dans la nôtre ?

Samedi 10 avril 2010, marché de Nogent-le-Rotrou
Je ne peux m'y empêcher à chaque fois de penser que j'ai appris à mes filles que si beaucoup d'hôtels s'appe-laient au Lion d'Or, c'est que cela venait de "Au lit on dort". Leur premier cours de sémiologie en quelque sorte!

Dimanche 11 avril 2010, étang de Sainte-Anne, Thiron-Gardais, 13h18.
Mon ami Claude H., ornithologue m'apprendra que cet oiseau est une Bernache du Canada. Il fait partie en fait d'un groupe de trois que l'on peut observer depuis quelque temps ici.
Il m'a promis de me donner un jour la liste de tous les oiseaux visibles à Thiron-Gardais. Il en possède chez lui, les milliers de relevés, qu'il a consignés sur une gigantesque table de données !

Mercredi 15 avril 2010, La Chambrie, 15h12.

Journée espérée depuis longtemps.
Je rends à Christiane, une de mes voisines, son bouddha que j'avais gardé au chaud tout l'hiver, dans ma cuisine.
La profusion des fleurs dans le jardin, la lumière et la douceur de l'air font que c'est pour moi la première vraie journée de printemps de l'année.

Vendredi 16 avril 2010, Nogent-le-Rotrou, 18h40.

Conférence sur Nelson Mendela par Jean Guiloineau organisée par l'association Mai pourquoi et présentée par Jean Thenaisy. Très bonne et utile remise en place de l'histoire de l'Afrique du Sud, et surtout une description impressionnante et douloureuse de ce que fut l'apartheid.
Conférence d'où chacun ressort en se sentant enrichi et plus intelligent, ayant une foule d'éléments et sensations utiles pour se faire une idée.

Samedi 17 avril 2010, abbaye de Thiron-Gardais, 22h19.
Concert original certes. Trompes et sonneurs de nombreux groupes de la région. Quand j'étais jeune, on appelait cela des cors de chasse. Concert un peu long et d'inégale qualité selon les morceaux, gâché une bonne moitié pour moi par un photographe sans gêne qui se mettait face au public pour prendre ses photos au flash, une à peu près toutes les minutes, et qui n'a pas pensé une seule seconde, l'andouille, que le public se prenait l'éclair en pleine poire, surtout ceux des premiers rangs dont je faisais partie bien sûr !

18 avril 2010, La Chambrie, 19h43.
Premier repas de l'année dehors.
Je suis étonné, combien en vieillissant, la nature et les éléments naturels prennent maintenant pour moi une place de plus en plus importante, combien ils arrivent à me calmer, me consoler même de mes pensées tristes et parfois nihilistes ou gaies à la Cioran.
Combien d'années il m'aura fallu pour que l'odeur d'une fleur, la vue ou l'observation d'un oiseau me suffisent et m'encouragent à continuer !
Combien d'années pour se satisfaire du vent doux du soir sur la peau de mon avant-bras droit, celui qui tient ma cigarette !
Combien d'années pour réaliser que les vérités les plus simples et évidentes sont les plus difficiles à accepter !
Samedi 24 avril 2010, Le Mans, 16h12.
Cathédrale Saint-Julien du Mans.
Architecture extrêmement compliquée, romane pour la nef, gothique pour le chœur et transept.
Je m'y promène avec Christiane L., une de mes voisines. Mes pensées n'ont rien à voir avec le lieu. En levant la tête, je vois une toile d'araignée et tous ses recoins, comme une image de mon cerveau dérangé depuis quelque temps. J'y vois les nœuds de ma vie, qui en sont à la fois les points faibles et les points forts, comme Descartes disait que la force d'une chaîne est celle de son maillon le plus faible.
Les 925 photos faites ce mois ne sont-elles que les petits morceaux d'un vitrail d'une histoire sans Dieux ni saints (sans queue ni tête) ?
Pauvre de moi: je n'ai rien trouvé de plus simple que de prendre les mots pour dire ce qu'on ne peut pas dire !

Mardi 27 avril 2010, Thiron-Gardais, 17h34.

Les filles m'ont aidé à installer mon "coin peinture" dans la maison, chose dont je fus incapable, alors que j'y pensais, depuis plusieurs mois...
Elles inaugurent les peintures et les pinceaux sur deux toiles neuves.
Elles jubilent et j'en suis heureux. Je les regarde avec ravissement.
Elles commencent chacune une toile qu'elles emmèneront pour leur chambre à Saint-Chéron à la fin de leurs vacances.
Elles me mettent au pied du mur.
Je dis que "oui je vais bientôt reprendre" (depuis petites elles aiment que je peigne et en sont fières) mais dans ma tête je pense : à quoi bon peindre et continuer la peinture ?
Et puis aussi : quoi peindre ?

Jeudi et vendredi 29 et 30 avril 2010, Garat, banlieue d'Angoulême, 11h36.
De gauche à droite :
- Léa, va entrer au lycée, voulait être vétérinaire mais est en train de changer d'idée je crois.
- Élise, va commencer son master en droit, veut depuis longtemps être juriste pour les associations humanitaires,
- Charlotte, va entrer au collège, veut sans doute faire un métier bien payé et où on ne fait pas grand chose. Est dans la phase "cool", blog et Messenger, les copains et les copines d'abord!
Ce sont mes trois filles, contentes à chaque fois qu'elles sont ensemble.
Je crois qu'elles savent et sentent que je les aime. Mais je n'ai jamais bien su leur dire en face, et ne suis pas sûr d'avoir su bien le faire.

Vendredi 30 avril 2010, lieu dit paumé en Dordogne, 15h04.

Chez Chris et Bastian, dont la maison est un village à elle toute seule avec un cerisier du Japon complètement éclatant.
Repas sympa et sain comme je les aime avec discussion et échange droits et sérieux pendant que les filles font des dizaines de photos des grenouilles dans la mare.
Plaisir de la complicité sur les choses de la vie, et pouvoir se dire tout ce qu'on veut, sans jugement ni rivalité.
Moments partagés revitalisants, comme à chaque fois qu'on s'écoute et s'entend, conscients qu'on est sur le même radeau...