page précédente (images et sons) Mardi 22 novembre 2011 page suivante (Alain Controu) retour au menu
Il n'y a que le présent
ou : je suis là au moment où j'y suis
ou : comment je prépare l'hiver.

Je préfère finalement Saint-Malo l'hiver que l'été.
Les rues y sont presque désertes, on y trouve facilement une place où se garer, les remparts et les plages offrent juste le nombre qu'il faut de silhouettes bien couvertes, souvent couples qui s'accrochent à un décor romantique, bravant le froid et la solitude pour se blottir dans la vieillesse ou dans la douceur de l'amour.
... ...

Au petit déjeuner, Anne P. me conseille, et je l'écoute (c'est elle qui m'avait donné envie de lire l'année dernière la Divine Comédie), de lire les Confessions de Saint Augustin, 13 volumes écrits en seulement 3 ans à l'âge de 45 ans.

Même si beaucoup considèrent que c'est Jean-Jacques Rousseau qui a écrit la première autobiographie, il n'empêche qu'il avoue avoir pris Saint Augustin pour modèle.
Anne me lit des passages recopiés de sa main, et qui parlent de saint Augustin face au temps, au passé à l'avenir. Ce qu'elle me dit résonne en moi et me donne envie "d'y aller voir" :
- Pour lui il n'y a que trois temps : le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur. Tu comprends pour lui, tout est dans le présent. Il y a dans le présent le souvenir (du passé) l'attention (du présent) et l'attente (de l'avenir tel qu'on l'imagine dans le présent). C'est intéressant, non ?
- Tu parles !
C'est ce que j'essaie : être juste dans mon présent, ni avant ni après. Et avec quels efforts !
Moi qui ne fais que répéter à qui veut l'entendre que tout est dans la tête, que ce soit le passé, l'avenir, le présent, que tout n'est peut-être que virtuel et simultané !
...

Elle me dit que pour Saint Augustin "l'ensemble des instants de l'univers est "omnia simul", que tout est présent à la fois, simultané, sans succession, éternel."
Je note sur mon agenda à la date du samedi 19 novembre : "à lire : Les Confessions de Saint Augustin ."
A parler trop fort nous avons réveillé Tarik Noui et Émilie. Café général. Je ne veux pas croire que son dernier livre s'appelle Rouge à lèvres sur le plongeoir d’une piscine municipale. Je note encore.
Dans mon présent il y a l'hiver.

Sur la route vers Paris je pense que je vais aller voir à quoi Saint Augustin ressemble sur Internet. (Œuvre complète ici ou en français, sur un site suisse, et , encore mieux, bilingue latin français. On peut même les télécharger en fichier zip ici)
Les éditions sont nombreuses, les collections, les prix... Suis tenté par la traduction récente de Frédéric Boyer (sous le titre Les Aveux, chez POL, au début 2008), même si je sais qu'à Thiron j'en possède une vieille édition GF-Flammarion que je n'ai jamais lue.

"Une splendide méditation sur ce qu'est de vivre le temps sans s'y perdre" dit Emilio Balturi.

Beaucoup peint, (de l'enterrement du Comte d'Orgaz du Gréco à Tolède où il est en tant qu'apparition qui ensevelit le corps du Comte avec Saint Étienne), en passant par Rubens, Murillo, Le Corrège, Botticelli, Ribera, sans parler des fresques de l'église toscane de San Gimignano peintes par Benozzo Gozzoli (en 1464-65) et qui racontent sa vie, de la naissance à la mort, j'imagine aujourd'hui que Saint Augustin sera de bonne compagnie cet hiver, que j'imagine aujourd'hui passer seul ici.

Être dans le présent. Cela explique ma vie dissolue, éclatée, sans heure ni distance, juste à vivre ce qui m'arrive : invitation, coups de téléphone, manifestations au jour le jour, rencontres imprévues, tâches obligatoires, que j'effectue sans réfléchir sans me poser un pourquoi ni un comment. Je fais, au fur et à mesure .

- Viens...
- J'arrive.

- Voulez-vous passer à la maison...?
- Oui, j'arrive dans une heure.

Il est deux heures du matin. Commence un film à la télévision. J'ai envie de le regarder, je le regarde.

C'est ce qui explique la non régularité des pages de ce journal. Je pourrais en faire une par jour, mais le présent me détourne souvent de cette idée ou de cette projection de mon présent sur mon avenir proche. Écrire une page de mon journal en ligne, n'est qu'une possibilité d'emploi du temps.

C'est ce qui m'arrive au présent qui décide. Cela peut aller d'un coup de fatigue, d'une flemme provisoire, d'une distraction locale, d'un livre que je ne lâche plus des mains, d'un coup de téléphone... d'une envie subite et imprévue à laquelle je cède aussitôt... et donc une journée sans journal. C'est aussi simple que cela. Et je suis heureux de pouvoir le faire (c'est-à-dire de ne pas faire) maintenant sans regret ni je ne sais quelle culpabilité (ce qui ne fut pas toujours le cas dans ce que je me souviens du passé).

On me dit : tu n'es jamais là. Mais si, je suis là où je suis au moment où j'y suis.
J'ai planté de nouvelles pensées sur mes fenêtres, j'ai fait refaire la porte de ma grange mais elle reste à peindre), j'ai coupé les hautes tiges des roses trémières pour récolter les graines, j'ai préparé à manger pour les oiseaux. Je me prépare pour l'hiver.
C'est ainsi que j'ai aussi commandé quelques livres conseillés par des gens de confiance (comme L'île des pingouins d'Anatole France que m'avait conseillé Jérôme Vérain, récemment revu avec plaisir, et Croquignole de Charles-Louis philippe, conseillé par Bruno Vercier).
J'ai aussi pas mal avancé sur la mise à jour du site de mes amis Édouard Fauve et de Jean-Christophe Cochard.
Le mien passe souvent après. Cela ne me gêne plus. C'est ainsi.
Aujourd'hui.