Journal de Nogent le Rotrou
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ma vie dans le Perche
Propos sur la littérature et la peinture.
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Vacances à Thiron-Gardais 8ème jour : Ïle de Pentecost, Vanuatu (fin) (voir début)
Il s'élance, comme s'il plongeait loin devant lui.
Pas trop loin : avant d'atteindre le sol les lianes le rappelleraient en arrière risquant de lui casser les reins.
Mais pas trop près non plus : les lianes alors trop longues, n'amortiraient pas sa chute et il s'écrasait sur le sol.
À chaque saut, l'erreur peut être fatale. Comment savoir alors ?
C'est la prise de risque pour être un homme parmi les siens.
La première fois, je n'ai pas osé regarder l'arrivée sur le sol.
Le départ ressemble à une prise de vol, silencieuse. C'est le rêve de l'homme oiseau, c'est beau à regarder et à imaginer...mais l'atterrissage moins.
Serais-je capable de sauter ainsi, juste pour pouvoir être accepté comme un individu du groupe ?
Me suis-je trouvé dans ma vie, là, au-dessus du vide, sur la planche, les pieds joints, face à moi-même et aux autres ?
Oui, plusieurs fois, et je me souviens immédiatement de toutes les fois où je n'ai pas eu le courage de sauter. Où j'ai eu peur, où je n'ai pas voulu prendre de risque, peur de ce que je pouvais perdre, de ce que les autres pouvaient dire ou penser, du prix à payer.
Eux, ils sautent. À quoi pensent-ils pendant le saut ? A-t-on d'ailleurs le temps de penser à quelque chose dans cet espace de temps entre le moment où on a poussé sur ses jambes et celui où on va toucher le sol ?
Pendant les deux heures où vont se succéder les sauts, un seul homme est resté longtemps sur la planche, a semblé hésiter ou tout simplement avoir peur, ne pas " le sentir ". Les autres en bas ont dansé et sifflé plus fort que jamais. Mais cet homme-là semblait vraiment y aller à contre-coeur et hésiter.
Je me suis demandé moi aussi si il allait sauter, partagé entre le " vas-y, saute bon sang !" et le " ne saute pas...tu vas te tuer".
Mais telle n'est pas la règle visiblement dans cette société-là. On saute toujours.
.. .. ..
Les enfants aussi. Toujours intrigué par celui pris en photo sur la planche, à une quinzaine de mètres du sol. Il regarde le photographe droit dans les yeux.
Je ne sais toujours pas aujourd'hui interpréter son regard vis à vis de l'étranger qui pointe sur lui son appareil à photo, qui vient de loin le voir sauter, sans d'ailleurs pouvoir s'imaginer ce " loin-là ".
C'est une photo de mon album de voyage, tirée sur papier comme les autres mais n'en retrouve pas le négatif. Je n'ai d'ailleurs pas le souvenir de l'avoir prise, ce qui m'aurait étonné aujourd'hui vu l'état de mal-être où je fus toute l'après-midi au pied de cette tour.
Les atterrissages sont variés. Certains se font en douceur, d'autres sont brutaux. À chaque fois on entend les lianes et la tour craquer. Aussi désagréable à entendre qu'un grincement de dents.
Une seule fois, l'homme s'est fait mal à mon avis. Il est resté sur le sol et ne s'est relevé qu'avec l'aide des autres.
Il est reparti comme si tout allait bien.
Nous aussi. Comme si.