Dimanche 23 septembre 2007 jour précédent jour suivant retour au menu
Le roi vient quand il veut
ou pourquoi Pierre Michon dit que c'est ça la littérature...

Une lectrice de Rouen me demande pourquoi j'ai mis hier un lien comme ça sur Le roi vient quand il veut qui ouvre une fenêtre sur un tableau de peinture dont je ne donnais ni le titre ni l'auteur.
Et bien ma chère lectrice, cette page est donc pour vous.
Ce tableau est un tableau peint par Goya au début de sa carrière en 1783 (c'est un des premiers de sa longue série de portraits d'aristos ) qui s'intitule Le Comte de Floridablanca.
Ce personnage fut un homme politique important à son époque, ambassadeur à Rome, entre autre, qui outre le fait de se comporter en despote et considérait l'opinion des autres comme de la roupie de sansonnet (on disait autrefois de la roupie se singe, je vous laisse découvrir le pourquoi de la mutation du singe en oiseau) fut quand même assez original pour :
- demander au pape la suppression de l'ordre des jésuites,
- essayer de foutre à la porte les Anglais de Gibraltar,
- se rebeller contre Napoléon.
Il a rien réussi, mais qu'importe le vin pourvu qu'on ait l'ivresse...
Il faut dire aussi, que sans Michon, je n'aurais pas repéré ce tableau, qui appartient à une banque espagnole.
Quand Goya le peint là, le Comte de...,
, il est le premier ministre de Charles III. Tout le monde s'accorde à dire que Goya s'est représenté lui-même à gauche, de profil, en train de montrer sa peinture au ministre, qui au passage et entre nous, n'en à rien à branler (pour parler comme Michon au Nouvel Obs) et préfère regarder le spectateur (nous) ou quasimment la Gloire ou pourquoi pas Dieu en personne, droit dans les yeux.
Suivez mon regard, enfin je veux dire leurs regards...
Dix sept ans plus tard, en 1800, Goya aura pris de l'assurance et de l'égo, il ne se referra plus petit comme ça, et se souviendra de Velazquez dans les Ménines. Dans le portrait de la famille royale (La famille de Charles IV ) il se représentera comme les autres, aussi grand, bien debout, se sentant bien à sa place avec " ces gens-là ", y compris le Roi, et nous regarde droit dans les yeux.
Et y'a pas de raison, se mettra devant son chevalet comme Velazquez, en rigolant sans doute à la pensée que le gamin auquel la Reine tient la main est l'enfant fait avec son amant Manuel Godoy, homme de confiance du Roi dont " il s'occupe des affaires " c'est le cas de le dire !
Dans Le roi vient quand il veut, c'est la 6ème interview du livre (parue sous le titre Entretien avec Pierre Michon, propos recueillis par Daniel Nadaud, Interlope la Curieuse, revue de l'École des beaux-arts de nantes, no 5, juin 1992) Michon répond (c'est page 66) à la question suivante :
- Dans ta quête de portraits, n'es-tu pas toujours, en fait, l'objet détourné de ceux-ci ? Ne sont-ils pas autant d'autoportraits ?
Sa réponse commence ainsi et satisfera j'espère ma lectrice, qui comprendra ainsi en même temps le titre du livre qui vient de paraître; et l'importance du propos :
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