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ma vie dans le Perche
Propos sur la littérature et la peinture.
Dimanche 26 novembre 2006 jour précédent jour suivant retour au menu
Beau-François et les autres...
ou la bande d'Orgères.

Ça c'est passé dans les années suivant la révolution jusqu'en 1898. Une terrible bande de brigands, aidée par tous les mendiants, marginaux et errants du coin, terrorisent la région, attaquent les voyageurs, les fermes et pille les châteaux.
. . .
Rouge d'Auneau, Gros Normand et surtout leur chef Beau François, se font une spécialité de brûler les pieds des paysans (et plus après) dans leur cheminée pour leur faire avouer où sont cachés leurs économies, les magots des bourgeois et les trésors des riches. Il faut dire qu'à cette époque il n'y a pas de banque, et tout le monde garde son or chez soi, dans le jardin ou sous les carreaux de la cuisine !
La méthode est efficace, surtout avec l'eau de vie dont on imprègne les pieds. On les appelle aussi " les chauffeurs de Beauce " ou tout simplement les " chauffeurs " ou encore "les chauffeurs d'Orgères".
Leur zone d'intervention est située entre entre Orléans, Chartres, Pithiviers et Marchenoir. La police laissait faire, un peu débordée et trouillarde devant le cruauté de certains de la bande (dont le redoutable Rouge d'Auneau). De plus, impossible, jusqu'ici d'en connaître un seul membre ou un seul nom !
Bien organisée et constituée à la base d'une trentaine de personnes, qui le jour avaient pignon sur rue et avait des activités honorables : forgerons, ouvriers agricoles, tonneliers, vignerons, marchands, bouchers, aubergistes... et même un garde champêtre, la bande se réunit avant et après son forfait dans les bois.
Tout cela jusqu'à ce qu'un jour, Le 15 nivôse de l'an VI, soit le 4 janvier 1798, il y ait mort d'homme. Les bandits réunis s'attaquent ce jour-là à la ferme Milhouard, une très riche exploitation gérée, entre Pourpry et Sougy (Eure-et-Loir) dirigée par le père Nicolas Fousset. Même les pieds brûlés il ne dit rien. Les brigands s'acharnent sur lui. Il succombe quelques jours plus tard.
L'émoi est tellement grand que la police est obligée de s'y mettre : le juge de paix d'Orgères, Amand-François Fougeron, propriétaire du château de Villeprévost, prend l'affaire en main et y place tout son honneur personnel. Il met sur l'enquête un type qui n'a peur de rien : le commandant de brigade VASSEUR, un type né à Nogent le Rotrou et qui du haut de 180 centimètres, n'a pas froid aux yeux. Sa bravoure est légendaire depuis qu'il avait démantelé une autre bande dans la forêt de Senonches. La chance est avec lui : un vagabond lui sert d'indic (Germain Bouscant dit le " Borgne de Jouy " accompagné de la femme Bire) et donne, sans même le torturer) les noms de la bande, des chefs, (jusqu'ici absolument inconnus), des complices, leurs habitudes, leurs codes.
Informé du prochain " gros coup " de la bande, Vasseur, avec 30 gendarmes et 60 hussards (pieds des chevaux enveloppés de chiffons), arrive à les coincer une nuit dans le bois de Méreville. Ils comptaient attaquer le château de Faronville près de Toury, ainsi que 6 fermes avoisinantes. Cela devait être le dernier gros coup, avant de changer de région, Beau-François, sentant le vent tourner et une certaine odeur de roussi...
Il est arrêté avec 30 autres.
Après 125 jours d'enquête et 300 arrestations, 82 personnes seront jugées à Chartres le 11 et 1e 14 octobre 1899.
23 hommes et femmes seront condamnés à mort et exécutés à Chartres, sur la place des Epars, chacun vêtu d'une camisole rouge, le 4 octobre 1800. La foule en délire applaudit. Tous les fermiers des fermes les plus reculées sont là, rassurés sur le futur de leur magot.
Les autres sont envoyés au bagne ou dans des maisons de force.
Ouf !
Dans le Musée des beaux-Arts de Chartres, une salle est réservée pour le moulage de leur masque mortuaire. On a là, sur les murs rouges, tous ces chauffeurs d'Orgères, calmes et apaisés, enfin " refroidis ". (on peut lire l'histoire de ces masques).
. . .
Le gendarme Vasseur sera promu lieutenant, passera une retraite tranquille, décoré de la légion d'Honneur.
Mais c'est aussi le point de départ d'une légende tenace aujourd'hui encore : Il aurait un gros trésor caché, celui de la Bande , et plein d'autres récupérés, quelque part dans un champ en Eure et Loir, et le long de certaines haies.
Château de Villeprévost En effet tout ce beau monde fut arrêté et déféré devant le juge de paix d'Orgères-en-Beauce, le Armand-François Fougeron, cité plus haut, ancien conseiller de Louis XVI, qui habitait le château de Villeprévost. mais fait étrange, le magistrat conduisit l'instruction du dossier...chez lui avec 152 personnes enfermées dans les caves de son château. Or les interrogatoires permirent d'établir que pratiquement tous les conjurés possédaient un trésor de guerre, caché dans les bois ou les champs des alentours. C'est à ce moment là que commença à courir partout (et jusqu'à aujourd'hui) le bruit que le juge Fougeron avait réussi à tirer de certains des membres de la bande un secret de l'emplacement exact où était enfoui leur fabuleux trésor collectif, une sorte de coffre-fort souterrain dans lequel finissait la majeure partie du butin et des objets dérobés chez les fermiers.
La légende du " trésor des chauffeurs " fit son chemin, au point qu'elle est encore solidement implantée dans la région. Mais, où porter d'éventuelles recherches ?
C'est ce qui explique le succès dans la région et dans toute l'Eure et loir, des chercheurs de trésors, que l'on voit le dimanche dans les champs avec leur poêle à frire...

Pour ceux qui veulent encore plus de détails, je conseille l'article passionnant et riche de Didier Audinot, destinés à ces chercheurs du trésor des chauffeurs de Beauce. Beaucoup d'études et de livres ou d'articles dans les revues historiques ont traité de cette Bande. Certains semblent plus documentés que d'autres. L'article de Wikipédia est intéressant pour connaître les autres chauffeurs célèbres jusqu'à nos jours.
La bande d'Orgères est intéressante aussi car on a pu étudier leur vocabulaire et leur argot grâce au greffier P.Leclair qui en a soigneusement rapporté très précisément la liste des mots employés. On dit même que Victor Hugo s'en est inspiré dans certains livres comme le dernier jour d'un condamné.
Mais le livre à ne pas rater est celui qu'on trouve en ligne et en version originale chez Gallica,
Causes célèbres de tous les peuples publié de 1858 à 1867 par A.Fouquier sous forme de revues et de cahiers .
Dès le début du tome I on a l'histoire très détaillée et croustillante des chauffeurs et de la bande d'Orgères. J'en ai tiré quelques illustrations originales. Formidable dans la précision des horreurs, mais acceptée en son temps à cause des commentaires ou des leçons de morale qui sont distillées tous les paragraphes ! Faut voir comment au début ils prennent des pincettes :

À noter un livre d'époque, très rare et complet (donne le détail de tous les crimes commis par la bande ainsi que le jugement complet) publié en 1801, soit un an après le procès, et dont on peut encore trouver des exemplaires à 1000 euros (commander ?)

On peut aussi visiter le petit musée consacré à la Bande dans le château de Villeprévost, lieu de capture et de détention de la Bande (à Tillay-le-Peneux 28140.Tél. 02 37 99 45 17).
Le plus drôle, et je le garde pour la fin, est que le chef, Beau-François, interrogé dans ce château le 10 février 1798, réussit à s'échapper de la prison de Chartres et ne fut donc pas exécuté.
Il ne fut jamais rattrapé.
Selon certaines sources, il faut bien sauver la morale, il sera tué beaucoup plus tard dans une embuscade, alors qu'il faisait partie d'une autre Bande en Vendée. Mais rien ne le prouve.
Dans l'exposition dont je parlais hier, la vitrine consacrée à cette histoire est quand même bien légère.
La forêt qui abrite les brigands et et la gentille ferme qui va être attaquée, sont quand même bien simplistes.
Certes il y a bien les reproductions des masques mortuaires des guillotinés sur le mur, mais qu'y comprend un enfant ?
Et il n'est dit nulle part que Beau-François, le chef, s'est échappé et n'a pas été puni.
C'est dommage, c'est justement cela qui les ferait rêver, non ?