mercredi 1 juin 2005 Hier Avant hier
L'infâme affaire de Nonancourt, d'après un extrait des Mémoires de Saint-Simon (Tome 13, chapitre XIII), touche no5. (touche précédente)

Il commence ainsi :
" Les troubles d'Angleterre augmentaient, et le comte de Marr avait des succès en Écosse. Stairs était tout occupé d'empêcher la France de donner aucun secours au Prétendant, et de lui couper le passage par le royaume s'il voulait gagner les bords de la mer. Il avait de bons espions; dès qu'il apprit que ce prince partait de Bar, il courut à M. le duc d'Orléans pour lui demander de le faire arrêter."

Pour comprendre cet épisode, il faut placer dans quel cadre et situation se passe l'épisode que raconte Saint-Simon. C'est pas simple, parce que l'histoire de l'Angleterre n'est pas simple, et ne s'est pas faite en un jour.
je vais donc, essayer de faire une synthèse de mes notes prises depuis un mois, couvertes de sueur il s'entend. Si je réussis à être clair, vous devriez pouvoir relire le texte et attendre impatiemment la suite.
Jacques Stuart, devint roi d'Angleterre (sous le nom de Jacques II d'Angleterre) et d'Écosse (sous le nom de Jacques VII d'Écosse) en 1685, pour succéder à son frère (Charles II) qui était mort sans descendance.
Ça va ? C'est simple. Je continue et abrège le plus possible.

- pendant un premier mariage il avait eu 8 enfants dont seules deux filles survécurent : Marie Stuart et Anne Stuart donc) - devenu veuf pendant son deuxième mariage il avait eu a six enfants dont deux seuls survécurent : Jacques François Édouard Stuart et Louise Marie Thérèse Stuart.

je mets en rouge celui là, car c'est lui dont parle Saint-Simon quand il parle du Prétendant, et les deux filles parce qu'elles seront reines.

Assez apprécié, bien que..., il avait du quand même fuir fin 88 et se réfugier en France auprès de son cousin germain Louis XIV, comme nombre de ses partisans, les "Jacobites". Louis XIV tenta bien de le replacer sur son trône mais sans succès.
(dès 89, Jacques II avait débarqué en Irlande et avec une troupe de milliers de Jacobites, (et de 7000 français), avait livré bataille contre les forces anglaises.
Après d'autres tentatives désastreuses, dont la bataille de La Boyne en juillet 1690, s'en suivirent et qui obligèrent Jacques II à se réfugier définitivement en France).
(La plupart des soldats irlandais survivants s'engageront dans des troupes européennes, surtout françaises. Ces mercenaires sont appelés les "oies sauvages".)
Jacques II mourut donc en France le 16 septembre 1701 au château de Saint-Germain-en-Laye. Il fut inhumé en l'église paroissiale de Saint-Germain-en-Laye.

L'histoire que Saint-Simon raconte se passe 15 ans plus tard, on n'y est donc pas.
Qui a délogé Jacques II de son trône ?
Une conspiration puissante de notables, les sept immortels, et qui avaient "invité" Guillaume et Marie à déposer Jacques.
Guillaume III, Prince de Nassau, né aux Pays-bas, protestant et qui s'était marié avec Marie, une des filles survivantes du premier mariage de jacques II (et dont j'avais mis le nom en rouge dans le paragraphe précédent).
Après ce coup d'Etat en douceur, l'intention du Parlement est de donner le trône à Marie, mais elle décline l'offre. Le 13 février 1689, leur co-règne est rendu officiel. Guillaume devient Guillaume III d'Angleterre et Marie, Marie II d'Angleterre, couronnés le 11 avril 1689.
je passe...
Marie meurt de la variole en 1694 et Guillaume continue son règne.
N'ayant aucun scrupule à utiliser les ressources britanniques pour favoriser son pays natal, il devient progressivement impopulaire.
Chute de cheval : Il meurt en 1702.
Les Écossais rongent leur frein. En 1701, l'Acte d'Etablissement, adopté par le parlement britannique, avait évincé définitivement les Stuarts de la couronne. Cet acte réserve la couronne anglaise à un souverain protestant. Il place ainsi la maison de Hanovre sur le trône.
Le mouvement jacobite ne baisse pas les bras ni l'espoir. De nombreux clans y participent : les Mac Lean, MacKenzie, Mac Gregor, MacKintosh, Cameron, ...
Le fils de Jacques II, le Prétendant, y croit. Se sentant héritier des droits des Stuarts aux trônes anglais, écossais et irlandais, il s'est proclamé roi le 16 septembre 1701, le jour même de la mort de son père, au château de Saint-Germain-en-Laye, et est reconnu comme tel par la France, l'Espagne, Modène, ainsi que par le Saint-Siège. ! Bien sûr des sympatisants travaillent pour lui sur le terrain. C'est important pour notre histoire, et c'est pour cela qu'on l'appelle le Prétendant. Il est en France, il attend son heure. Il a Louis XIV dans la poche. Mais nous ne sommes qu'en 1702. L'épisode de Saint-Simon se passe bien plus tard.
C'est la soeur de Marie qui succède à son beau-frère. Anne Stuart, Anne Ière, reine d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande du 19 mars 1702 .
Le règne d'Anne Stuart est marqué par l'unification des royaumes d'Angleterre et d'Écosse (1707). En 1707, l'Acte d'Union réunit l'Angleterre et l'Ecosse en créant le Royaume Uni de Grande Bretagne. Les deux gouvernements sont fusionnés.
Elle eut douze enfants, dont aucun ne lui survécut. Quand elle meurt à Londres le 1er août 1714, elle ne laisse donc pas d'héritier. En vertu de l'acte d'Établissement, c'est donc son cousin allemand, George, Électeur de Hanovre, qui va lui succéder sur le trône sous le nom de George Ier.
les Jacobites et le Prétendant, sont déterminés bien sûr plus que jamais à réinstaller un souverain Stuart catholique écossais sur le trône d'Angleterre.
C'est là que va prendre lieu notre épisode de Saint-Simon. Le Prétendant et ses amis se sentent prêts à rentrer chez eux et tenter un coup d'Etat.
Quand on y pense, ça fait 13 ans qu'il n'attend que cela ! De plus le George s'attire des rancoeurs, de quoi trouver des gens qui seraient favorables à son renversement ?
Très attaché à ses origines allemandes, George 1er refuse toujours d'apprendre l'anglais. Il continue à faire des séjours longs et réguliers à Hanovre, qui reste son principal sujet de préoccupation, malgré ses efforts pour respecter ses devoirs envers son nouveau royaume. Il n'est donc pas très populaire en Angleterre, et l'antipathie qui se développe à son encontre encourage sans doute le complot jacobite qui tenter de le renverser en faveur de notre prétendant, Jacques Édouard Stuart, fils de Jacques II. Pour les questions de politique intérieure, George Ier se repose entièrement sur ses ministres, Stanhope Townshend, et Robert Walpole.
Nous sommes en 1715. Louis XIV, qui s'est pas mal battu contre les anglais, qui est sympatisant du Prétendant, et rigolerait bien si les Écossais prenaient une revanche, meurt le 1er septembre.
Il avait aidé le Prétendant (comme son père) déjà plusieurs fois (lire dans l' oeuvre intégrale de Voltaire mise en ligne, le chapitre CHAP. XXI de Le Siècle de Louis XIV : "Porter la guerre dans la Grande-Bretagne, tandis qu’on en soutenait le fardeau si difficilement en tant d’autres endroits, et tenter de rétablir du moins sur la trône d’Écosse le fils de Jacques II, pendant qu’on pouvait à peine maintenir Philippe V sur celui d’Espagne, c’était une idée pleine de grandeur, et qui, après tout, n’était pas destituée de vraisemblance.
Parmi les Écossais, tous ceux qui ne s’étaient pas vendus à la cour de Londres gémissaient d’être dans la dépendance des Anglais. Leurs voeux secrets appelaient unanimement le descendant de leurs anciens rois, chassé, au berceau, des trônes d’Angleterre, d’Écosse, et d’Irlande, et à qui on avait disputé jusqu’à sa naissance. On lui promit qu’il trouverait trente mille hommes en armes qui combattraient pour lui, s’il pouvait seulement débarquer vers Édimbourg avec quelque secours de la France.
Louis XIV, qui, dans ses prospérités passées, avait fait tant d’efforts pour le père, en fit autant pour le fils dans le temps même de ses revers. Huit vaisseaux de guerre, soixante et dix bâtiments de transport furent préparés à Dunkerque. (Mars 1708) Six mille hommes furent embarqués...
"
)
La Régence se met en place, Philippe duc d'Orléans y a pris sa vraie place, Saint-Simon est aux premières loges.
En France George, le roi d'Angleterre, a un de ses hommes, moitié fouteur de merde, barbouze ou magouilleur de première, qui attend être ambassadeur un jour, et qui va draguer le duc d'Orléans pour essayer de faire arrêter le Prétendant : le comte Stairs.
Saint-Simon, en fait son portrait au début du tome 13, chapitre XIII :
"Le comte Stairs était en France de la part du roi Georges plus d'un an avant la mort du roi, sans avoir encore pris le caractère d'ambassadeur qu'il avait dans sa poche. C'était un très simple gentilhomme écossais, grand, bien fait, maigre, encore assez jeune, avec la tête haute et l'air fier. Il était vif, entreprenant, hardi, audacieux par tempérament et par principe. Il avait de l'esprit, de l'adresse, du tour; avec cela actif, instruit, secret, maître de soi et de son visage, parlant aisément tous les langages, suivant qu'il les croyait convenir. Sous prétexte d'aimer la société, la bonne chère, la débauche qu'il ne poussait pourtant jamais, attentif à se faire des connaissances et à se procurer des liaisons dont il pût faire usage à bien servir son maître, et son parti à lui-même. {...} Il était pauvre, dépensier, fort ardent et fort ambitieux, et il voulait servir de façon, dans son ambassade, qu'avec les appuis qui le protégeaient, il pût faire une grande fortune en Angleterre où son parti, auquel il était dévoué, et ses patrons dominaient, et à qui il plaisait d'autant plus qu'il haïssait la France autant qu'eux. On a vu que le feu roi fut promptement et toujours après très mécontent de sa conduite; Torcy encore plus, jusque-là qu'il refusa et cessa de le voir et de plus traiter avec lui."
Pendant le même temps en Angleterre, le comte de Mar(r), jusqu'alors fidèle au roi d'Angleterre, passe dans le camp des jacobites, et va tenter avec l'aide des clans ( MacGregor, dont le Rob Roy rendu célèbre par le grand écran, ou MacKenzie), de monter une armée. Le 6 septembre 1715 il proclame même Jacques III, le Prétendant, Roi d'Écosse ! et va jusqu'à hisser le vieil étendard écossais.
Deux mois plus tard, le 13 novembre, lors de la bataille de Sheriffmuir il oppose quelques 12.000 fervents défenseurs à des Anglais quatre fois inférieurs en nombre. En piètre chef de guerre, le Comte de Marr abandonne la victoire aux anglais, éberlués mais ravis.
On peut commencer à lire l'épisode de l'infâme histoire de Nonancourt. Elle commence quand Stairs vient demander au duc d'Orléans, le Régent, d'arrêter le Prétendant qui selon ses informations va essayer de rejoindre la Bretagne pour prendre un bateau pour aller en Ecosse où les choses se précisent.
" Les troubles d'Angleterre augmentaient, et le comte de Marr avait des succès en Écosse. Stairs était tout occupé d'empêcher la France de donner aucun secours au Prétendant, et de lui couper le passage par le royaume s'il voulait gagner les bords de la mer. Il avait de bons espions; dès qu'il apprit que ce prince partait de Bar, il courut à M. le duc d'Orléans pour lui demander de le faire arrêter."