samedi 29 octobre 2005 Hier Avant hier
Ainsi donc Raymond Hains est mort.
Melle, juillet 2005, photo jcb. Melle, juillet 2005, photo jcb.
En apprenant la nouvelle, j'ai bien sûr pensé à Melle où j'étais allé écouter et rencontrer François Bon, fin juillet. Après la lecture de François Bon, il s'était assis à la terrasse du Café du boulevard et restait silencieux. Quelqu'un le photographiait et un enfant tournait autour de lui. De la famille ou des amis sans doute. Je savais que son oeuvre était faite et qu'il avait presque 80 ans. Je me souviens avoir pensé qu'il devait attendre la mort programmée, et m'être demandé, devant son sourire serein, et les gens qui s'arrêtaient ou le reconnaissaient, ce qu'on pouvait penser quand on avait fait "le gros du boulot" et que l'on avait presque tout connu de ce que l'art peut apporter de son vivant (y compris une rétrospective avec 150 oeuvres à Pompidou, en 2001 !)
Au moins, il pouvait penser avoir réussi son coup. Car il en avait fait couler de l'encre : tant il avait surpris, étonné, choqué, inventé, copié, collé, recopié, inspiré, détourné, déblayé, photographié, expérimenté, affiché, déchiré, baratiné, saoûlé, détourné, lacéré, plaisanté, intrigué, macintoshé, en somme : tenté et proposé.
rue du bac, 1957
Un côté aussi infernal, difficile à suivre mais combien séduisant pour l'esprit.
Pour ceux qui doutent, lisez une seule soirée passée en sa compagnie telle qu'elle est racontée par Richard Sünder. Épouvantable mais aussi combien drôle, fou dérangeant, déconcertant et irrésistible ! Où l'on passe de la diarrhée du Père éternel au Tournant des six ifs, des Trois chevaux de Troyes au sexe des Anguilles, et ce n'est que le début de la soirée...
On comprend aussi que sa verve et sa faculté de parler des heures sans arrêter ait pu énerver, et des avis hostiles tels que celui de Ben (bon d'accord, c'est Ben...) (" Raymond Hains m'énerve. Il y a une énigme Hains : sa gloire est surfaite. Qu'un Pansémiotique, qu'un lettriste l'apprécient, je comprends ça mais comment expliquer son succès en Autriche ou en Allemagne où ils ne comprennent pas un mot de français.").
Exposition Beaubourg Une des 4 affiches sur les Rolling Stones
On comprend encore la prolifération (tentatives) de le cerner avec des formules plus ou moins judicieuses et célèbres : Raymond Hains, le débroussailleur, le documentaliste, Le Sigisbée de la critique, le rabouteur de fiches,l'affichiste et anarchiste du Nouveau Réalisme (le Monde), ce "Breton jusqu'à l'os et Celte délirant" (Isis Clert), le roi du calembour métaphysique, " le dragueur des murs " (Restany),...
Seita, 1970 l'Ane vêtu de la peau de lion Vos gueules les mouettes, 2003
On s'aperçoit en regardant le kaléidoscope de son travail qu'on connaît tous un pan ou un autre de ses oeuvres : palissades, affiches, photos, objets divers, sculptures pour rues, ou autres travaux numériques et je passe ses expérimentations diverses (commencées dès 1948)...
échelle optométrique, 1966 Photographie de vacances, 1988.
Il n'a jamais arrêté de travailler. Il avait encore des projets sur lesquels il travaillait, quand cette bronchite maudite l'a arrêté ce 28 octobre 2005.
Ma langue au chat, photo sur papier, 2004. Macintoschage, 2000. Sous le soleil du maroc, 2003.
À noter un site remarquable à visiter, hébergé par Pompidou, où l'on voit l'intérêt de Raymond Hains, qui n'a décidemment rien laissé passer de son vivant, pour internet. Cela se présente comme cela (Cliquez sur l'image si vous voulez y aller tout de suite, et découvrir par vous-même)
On tombe alors sur une grille qui rappelle les jeux de Philippe de Jonckheere, avec des carreaux qui bougent et changent de place et qui chacun peuvent conduire à un thème ou une partie de son oeuvre. En-dessous, on a la bibliothèque de Raymond Hains qui défile...) Si on clique par exemple sur ses célèbres Macintoschages, commencés dès 1977, il s'affiche alors un texte souvent riche et intéressant (que l'on peut télécharger dès la page de la mosaïque d'entrée!).
Si on clique sur voir l'oeuvre on a alors des reproductions de grande qualité, comme celle-ci, avec tous les détails techniques nécessaires !
Je conseille aussi d'aller visiter l'appartement de Raymond Hains à Nice (il partageait sa vie entre cette ville et Paris), en cliquant sur la page d'entrée sur Raymond Hains@home (photos de Georges Dupin, faites en 2001). On peut y découvrir ses célèbres valises Airbus et ses boîtes en carton colorées dans lesquelles il gardait souvenirs, traces de voyages, mais surtout des livres ou fiches de lectures... toujours intéressé et travaillant aussi sur la mémoire...
Les journaux ont commencé leurs articles (cf libé et le Monde déjà cité) et on va saluer son oeuvre. Raymond Hains connaissait Internet, y croyait (" Je fais une sorte de Web..."). On peut y voir des vidéos en ligne assez intéressantes (interviews...).
Mais je suis sûr, qu'à l'heure qu'il est, il est déjà dans les rues, à déchirer ou lacérer les affiches des kiosques à journaux qui annoncent sa disparition.