Mardi 1er novembre 2005 Hier Avant hier
1er novembre 2004.
tombe de Narcisse Leroy, 1881-1931, mon grand père maternel
Lever tard pour moi.
Réponse mail à Anne B.et à mon frère Jany.
Commande de deux Cd de Jesus and Mary Chain.
Froid, grisaille, impossible de me mettre comme prévu à travailler.
Tirages des photos des bijoux de Sabrina.
Téléphone à Edouard. Nous dînerons ensemble demain. Sort en campagne. La Loupe, Senonches.
Vais au cimetière de La Ville aux Nonains faire des photos de la tombe du grand père maternel Narcisse Leroy) sur lequel je fais quelques recherches en ce moment. Je suis intéressé par son séjour à Salonique en 1917-1918. Voudrais savoir en fait de quoi il est mort...Pour aussi clore une histoire commencée avec Jany.
La forêt automnale est nouvelle pour moi.
On perd l'habitude des saisons de son enfance quand on vit sous les tropiques.
Ça commençait donc comme cela, et cela se terminait comme ça :
SAUF, SAUF, Jodie Foster qui joue une marchande de carottes et qui fait une apparition de 5 minutes, fulgurante comme toujours. Mais il faut dire que je l'aime sans réserve, depuis toujours et qu'elle ne m'a jamais déçue comme actrice.
forêt de Senonches, 1er nov 2004
Je ne me rendais pas compte de ce que je commençais, même si je savais pourquoi je le faisais :
- Depuis deux mois installé à Nogent le Rotrou, je sentais bien que ma vie en solitaire allait y être difficile par moments. Commencer à mettre en ligne un journal devrait m'occuper et occuper le reste de mes soirées, toujours longues, étant un couche tard inguérissable... J'avais beaucoup de temps pris par la préparation de mes cours, mais elle se faisait la journée essentiellement et les week-ends. Passé dix heures, quoi faire ? Une page quotidienne était une solution...
- Depuis deux mois un certain nombre de proches ou amis m'envoyaient des mails ou des courriers me demandant comment se passait ma réintégration et ma nouvelle vie à Nogent... Ce journal était une possibilité de leur répondre, m'évitant de répéter dix fois à dix personnes différentes les mêmes faits et gestes du quotidien, tout en leur donnant des indications du moral ambiant. Je ne voulais pas répéter ce que j'avais fait en arrivant en 1973 aux États-Unis, envoyer dix fois la même lettre (dupliquée au papier carbone!) à dix personnes auxquelles je me sentais devoir donner des nouvelles... Internet était quand même mieux adapté et surtout plus efficace pour la rapidité de la livraison et des réponses possibles que le traditionnel courrier d'alors (il fallait compter dix jours pour un aller et retour !)
- Devant m'habituer à vivre seul, ce qui était assez récent et nouveau pour moi, je pouvais espérer aussi que mes filles, mes frères, mes neveux ou nièces, tous dotés de l'outil informatique et des connexions adéquates, puissent avoir de mes nouvelles, et rester en contact...avec leur père, leur frère ou oncle.
- Fabriquer ma page quotidienne, la mettre en forme, m'obligerait à garder un certain travail sur les mots et les images, indispensables pour moi depuis presque toujours...je comptais certes reprendre l'écriture et la peinture un jour, mais ce n'en était pas encore le temps ni le lieu, et il n'y avait pas le feu.
- Et puis je me demandais aussi, il faut le dire, si cela pouvait avoir un intérêt pour des gens qui ne me connaissaient pas, voir s'il y aurait des réactions, savoir avant tout, si par hasard, on pouvait tomber comme ça sur une page web...provoquer une réaction ou une réponse...
Dans l'idée de mettre en ligne, il y avait bien sûr de la pêche à la ligne et de la bouteille à la mer, mais aussi de la cocaïne, de la géométrie et du voyage, du filet à papillons au net, donc une mise en jeu, de la curiosité, de la tentative, de l'expérience, pour tout dire de l'aventure, du pain mis sur la planche comme un challenge.
Et alors, et alors ?
- Et alors quoi ?
- Et bien au bout d'un an ?
Et bien Sandrine H; et Émilie T., qui m'ont fait remarquer que c'est le mot que j'utilise le plus souvent dès que je suis de bonne humeur ou que j'aime quelque chose, vont encore pouvoir se marrer : c'était formidable !
- Mais pourtant, tout ce qu'on dit sur Internet...
Tout ce qu'on dit sur Internet est vrai. Il y a du mauvais, du faux, de l'abject, du danger, du dangereux, de la propagande au prosélytisme, de la pollution (de la nocturne à celle des âmes) de la pédophilie au fascisme et je ne sais quoi... On doit dénoncer, critiquer, mettre en garde...Mais il y a aussi autre chose. Pas que cela. Internet n'est pas réductible à ses mauvais côtés ni à ses utilisations détournées ou critiquables. À ce moment là que ne pourrait-on dire de la télévision, de l'automobile, de l'énergie nucléaire...et de l'homme tout simplement ?
Je noterai juste, personnellement, que la plupart du temps (je dis bien la plupart, je ne dis pas toujours), les critiques, affirmations ou jugements (émis avec plus ou moins d'assurance) que j'entends viennent de gens qui ne pratiquent pas ou peu Internet, ou qui ont lu que... Un peu comme quelqu'un qui parlerait de la télévision en général et qui ne l'a regardé qu'une fois ou deux chez les voisins à l'heure de la ferme ou de star académie...et sur un vieux poste noir et blanc. Et puis Internet est un mot que tellement de gens utilisent en ne sachant pas ce qu'il veut dire et quelles possibilités cela recouvre ! Le vocabulaire informatique est si incroyablement méconnu encore ! La plupart des gens autour de moi, et dont se disent pourtant " branchés ", confondent système d'exploitation, fournisseur d'accès, adresse email, url, arobace et www, traitement de texte, tableur, Yahoo, moteur de recherche et annuaire...et arrivent à se déclarer " pour le mail " et " contre Internet ! "
- Oui je vois, tu t'es fait avoir par le virtuel...
Mais non justement. L'expérience de ce journal m'a appris que derrière le virtuel, il y a toujours l'homme. Il n'y a pas de virtuel ! C'est la plus grande surprise de ce journal . Grâce à sa mise en ligne, j'ai rencontré et eu des centaines d'échanges, et avec des vrais gens ! Pas des ombres.
Toutes les personnes rencontrées sur le Web étaient bien réelles. On a bu, mangé, parlé, on s'est même excusé pour aller aux toilettes avant de marcher un peu ensemble... On s'écrit (et même par la voie postale traditionnelle), on s'envoie des cadeaux (des livres la plupart du temps bien sûr), des cartes postales. Et toutes ces personnes-là, plus celles que j'ai retrouvé grâce au net (perdues de vue depuis des années), ce fut toujours avec un vrai plaisir. Pas de déception de ce côté-là , étonnant non ?
Quand on m'a volé mon appareil à photo, toutes les propositions de m'aider (financièrement, ou m'en prêter un...) sont venues par Internet, de cette communauté qu'on dit virtuelle, plus réelle et chaude que bien des fantômes qui peuplent notre quotidien soi-disant bien réel...
Ma boite aux lettres montre 768 messages archivés concernant depuis un an mon journal, ou provoqués par une de ses pages. Des mots sympas, d'encouragement, des propositions, des corrections, des critiques, des modulations, des suggestions, des précisions, des mises en boite salutaires, ... formidable non ?
Les proches, les collègues, ceux qui me connaissent en vrai ? À part quelques exceptions (ouf, heureusement...) ils restent dans le meilleur des cas silencieux, ou critiques avec un sempiternel et stéréotypé : " je ne comprends pas...cette impudeur... mettre "ça" en public...c'est égocentrique blabla...", dans le pire, ils font semblant d'ignorer l'existence de ce journal, et en parlent par derrière. Visiblement il les gène. Mes élèves sont plus directs : " Monsieur, je lis votre journal. C'est vrai que...ou que...pourquoi...).
Ce " ça " qui ne les gène pourtant pas à la télé, dans les livres, dans les films, les magazines people, et autres soirées " entre amis "... mais c'est quoi ce " ça " qui les dérange ? Et pourquoi continuent-ils à le lire puisqu'il n'est pas imposé, gratuit et inexistant à merci ? À vrai dire je n'ai jamais bien compris...et cela ne me tracasse plus beaucoup aujourd'hui il faut le dire aussi.
Mais tous tes doutes et hésitations parfois ?
Quand on prend la peine (en fait le temps) de lire tous ceux qui tiennent un blog, un journal, un bloc note...on rencontre toujours, à un moment ou un autre, le même questionnement, les mêmes doutes, les mêmes découragements. Cela m'a souvent rassuré et paradoxalement encouragé, stimulé. Remises en cause qui sont en fait inhérentes à toute activité qui vous prend du temps : enseigner, écrire, peindre, soigner, aider, diriger, se battre, se défendre, militer, etc.(tout ce que vous voulez mettre comme verbes dans ce etc. : travailler, lire...gagner de l'argent...peut provoquer et se terminer par à quoi bon ). Sans doute parce que la mort ne se fatigue pas de nous attendre au bout...
Alors pourquoi avoir parlé d'arrêter ?
Parce que j'ai l'habitude de travailler par série ou par cycles. On peut décider avant de commencer, de ne faire une série que de quinze dessins, de n'écrire que dix poèmes, de ne corriger que quinze copies à la fois, de n'essayer d'arrêter de fumer que trois jours pour commencer, de ne faire qu'un régime de trois semaines, d'aller à la piscine deux fois par semaine...
C'est choisir un cadre, décider d'un format, déterminer l'espace compris entre deux parenthèses, limiter les paramètres d'une expérience, choisir la hauteur de la barre, mettre des limites, à chaque fois bien sûr pour essayer de les dépasser...et passer à autre chose.
Ne peut-on décider qu'on va mettre un journal en ligne juste pendant un an, pendant un an juste, juste un journal... Tumultueux pensez-vous ?
Certes, écrire chaque soir une page est parfois très contraignant, épuisant, mais aussi excitant : on sait tous que la plupart du temps on ne sait pas cinq minutes avant de commencer ce que l'on va dire, dans quoi on va se laisser embarquer, et que cela ne se passe jamais comme prévu. Et c'est très bien ainsi. On sait aussi qu'on ne regrette que très rarement, une fois l'avoir fait, s'être jeté à l'eau, même si elle est froide certains jours.
On apprend aussi, malgré la contradiction qui ne l'est qu'en apparence, qu'on peut ne pas faire la page, qu'il faut aussi écouter son rythme, respirer, et rester d'autres fois en apnée.
Aller voir chez les autres si j'y suis et grâce à eux rester ouvert sur le monde.
Alors pourquoi continuer ?
Mais parce que j'en ai envie !
Parce que j'y ai du plaisir et de l'intérêt.
Parce que ma " communauté " (ensemble des gens dont je lis régulièrement les pages, que j'ai rencontré ou approché petit à petit, au fil du temps comme dirait Wenders, en vrai ou non (mais la rencontre reste vraie) me plait, me permet d'apprendre, de découvrir, de partager et d'échanger des idées, des informations, des points de vue, des sites, des auteurs, des livres, des polémiques, me donne l'impression de rester ouvert sur le monde, vivant. Parce que ces gens-là, Monsieur... je les aime, voilà.
Parce qu'ils sont là, souvent plus vivants que ceux qui me bousculent sur les trottoirs, me demandent mes papiers, parce que ces gens-là ne me disent jamais que " ça " ne se fait pas, connaissent et acceptent mon radeau, ne s'en offusquent pas, et ne dédaignent pas, quand ils en ont envie ou besoin, de faire un bout de croisière ou de ramer avec moi, ou de m'inviter sur le leur...Parce que ce sont les seuls qui m'ont écrit pour me dire de continuer, que je ne les emmerdais pas, que " ça " ne les dérangeait pas.
Parce que je me sens libre maintenant, grâce à eux, de ne pas construire tous les jours une page.
Enfin parce qu'aussi je n'ai pas encore déménagé de Nogent et que je ne suis pas prêt à reprendre l'écriture et la peinture, dévoreuses et possessives comme pas deux.
Tout simplement parce que je n'ai pas fini et que j'ai encore deux ou trois choses à essayer... pour voir, comme on dit au poker...
Alors, c'est cela que tu retiens ?
- Non, le plus important c'est cela :