Jeudi 14 juillet 2005 Hier Avant hier
Hommage à Claude Simon
En se réveillant et se levant aussi tôt, alors que pour une fois il n'avait pas mis le réveil à sonner (il avait pourtant pensé, il réalisait maintenant combien c'était peine perdue, quelques heures auparavant, au moment d'éteindre la lumière, alors qu'il entendait au loin les pétards que quelques couche-tard allumaient encore sur la place Saint Pol pourtant désertée, qu'il n'avait pas à le régler, puisqu'il était en vacances - lui qui se plaisait à répéter qu'il n'aimait pas cette idée de vacance autorisant une béance un laisser-aller, et une oisiveté qu'il n'aimait pas - ), il n'avait pas réalisé que c'était le 14 juillet, jour par lui particulièrement détesté à cause, entre autres raisons qu'il s'autorisait, de ses premières fêtes nationales enfantines, quand il habitait encore chez ses parents, avant l'entrée de la ville (dans un petit hameau dont le nom de Poelay lui ramenait toutes les odeurs de la poêle à frire crasseuse et repoussante dans laquelle sa grand-mère maternelle, qui l'avait élevé, faisait tout cuire, de la crêpe bretonne au poisson, mais surtout l'infâme cervelle de mouton dont elle raffolait, et qu'elle n'avait jamais pu lui faire avaler sans lui provoquer un haut-le-cœur, gravant profondément en lui un genre de répugnance qu'il n'avait jamais pu lui pardonner jusqu'à sa mort) dans un affreux pavillon situé rue Jean de La Varende, (nom qu'il aima prononcer, devenu presque fier, quand il eut appris que c'était le nom d'un écrivain qui s'était passionné pour les paysans normands du coin, et qu'il put lire Nez de cuir, trouvé par hasard à la librairie des vieilles filles Vincre, située au pied de la Tour de La Madeleine - c'était encore l'époque où pour lui deux seules catégories d'êtres vivants étaient dignes d'admiration et de respect : les clowns et les écrivains -), dont le rituel de la matinée était basé sur le défilé télévisé en direct des Champs Élysée, commenté à l'époque par Léon Zitrone (que son père appelait " le gros Léon", signe d'amitié et du respect sans doute engendré à ses yeux par ses commentaires du tiercé), et qu'il devait regarder assis et sans bouger, au bout de la table (dont il revoie la nappe rouge brodée de frises blanches, du type de celle que l'on vend encore sur les marchés - il en avait vu une encore récemment à Nogent le Rotrou, le jour où il avait été cherché sa mère qui s'ennuyait tragiquement depuis la mort d'henry -), avec ses deux plus jeunes frères, essayant d'obéir à l'ordre maternel de "rester sage" le temps qu'elle puisse préparer dans la cuisine trop étroite et d'un jaune non moins trop pisseux, ses rituelles coquilles Saint-Jacques réservées aux dimanches ou, aux jours comme celui-ci, qu'on appelait chez nous des " jours de fête " ou plus justement, des " jours fériés ".
Même si j'ai lu que l'on est responsable de ce qu'on écrit sur son blog, et plus grave, des commentaires que l'on y reçoit, j'assume toutes mes fautes. Elles pourront au moins servir d'exemples.
C'est marqué : il faut dénoncer !
"Vous avez trouvé sur Internet un contenu potentiellement attentatoire à la dignité humaine ...cliquez ici...)
Pas de photos aujourd'hui.
L'année dernière, ce jour-là, j'étais aux Francofollies de la Rochelle. Je ne savais pas bien sûr qu'un an plus tard je passerais la journée enfermée dans la pénombre d'un appartement situé au-dessus d'un salon de coiffure à Nogent le Rotrou, à lire et ranger mon bureau le matin, abruti d'ennui et ne pouvant, à vrai dire, rien faire d'autre l'après-midi qu'écrire, et noyer le tout, comme le ferait une vague en déferlant, le soir dans mon bar habituel.
J'aurais pu écrire aussi sur ce 14 juillet-là, juste en partant du peu fixé.
Il suffisait que je commence à écrire, ce qui ne s'est pas fait.
"le souvenir est à la fois antérieur à l'écriture et suscité (ou plutôt enrichi) par elle. Plus on écrit, plus on a de souvenirs"
(Claude Simon, Entretien avec Mireille Calle, "L'inlassable réa/encrage du vécu", Claude Simon. Chemins de la mémoire, Presses Universitaires de Grenoble, 1993, p. 195-201)
(lire à ce propos MÉMOIRE RÉTICULAIRE ET HYPERTEXTE : esquisse d'une réflexion à propos de la numérisation des textes de Claude Simon, par Christine Genin,
qui fait partie de l'énorme travail fait sur Claude Simon par le groupe HUBERT DE PHALÈSE, en particulier sur La Route des Flandres
Il serait tout à fait déplacé d'imaginer le 14 juillet de l'année prochaine.