Jeudi 16 juin 2005 Hier Avant hier
J'adore jouer aux cartes, d'ailleurs jouer tout court.
J'adore rire.
Et je joue de moins en moins, et je ris de moins en moins...
J'adore jouer aux cartes dis-je, et pourtant je ne sais jouer qu'à un jeu : le tarot.
Jamais pu me mettre dans la tête la belotte ou autres jeux...
À quand remontent les dernières nuits blanches passées avec des amis ? Comme avec Edouard et Marceau à Tolède ? El Gréco le jour, cognac le soir, tarot la nuit ?
Comme avec Edouard et Marceau à Amsterdam ? Rembrandt, canaux, tarot la nuit ?
Comme avec Alain W. et Deborah au Mexique ?
Je ne me souviens pas de la dernière nuit blanche.
Je me souviens des nuits blanches à Las Vegas ou à Reno, en Corrèze ou à Angoulême, mais elles sont bien loin...
Mais la dernière à jouer aux cartes ? à jouer à un jeu ?
je ne suis pas un vrai joueur de toute façon.
N'est pas Gargantua qui veut.
Rabelais , Les jeux de Gargantua, CHAPITRE XXII :
"Puis, tout lordement grignotant d'un transon de graces, se lavoit les mains de vin frais , s'escuroit les dens avec un pied de porc et devisoit joyeusement avec ses gens. Puis, le verd estendu, l'on desployoit force chartes, force dez, et renfort de tabliers. Là jouoyt :

Au flux , à la condemnade, à la prime, à la charte virade, à la vole, au maucontent, à la pille, au lansquenet, à la triumphe, au cocu, à la picardie, à qui a si parle, au cent, à pille, nade, jocque, fore, à l'espinay, a mariaige, à la malheureuse, au gay, au fourby, à l'opinion, à passe dix, à qui faict l'ung faict l'aultre, à trente et ung, à la sequence, à pair et sequence, au luettes, à troys cens, au tarau, au malheureux, à coquinbert, qui gaigne perd, au beliné, au pies, au torment, à la corne, à la ronfle, au beuf violé, au glic, à la cheveche, aux honneurs, à je te pinse sans rire, à la mourre, à picoter, aux eschetz, à deferrer l'asne, au renard, à laiau tru, au marelles, au bourry, bourryzou, au vasches, à je m'assis, à la blanche, à la barbe d'oribus, à la chance, à la bousquine, à trois dez, à tire la broche, au tables, à la boutte foyre, à la nicnocque, à compere, prestez moy vostre sac, au lourche, à la renette, à la couille de belier, au barignin, à boute hors, au trictrac, à figues de Marseille, à toutes tables, à la mousque, au tables rabatues, à l'archer tru, au reniguebieu, à escorcher le renard, au forcé, , à la ramasse, au dames, au croc madame, à la babou, à vendre l'avoine, à primus secundus, à souffler le charbon, au pied du cousteau, au responsailles, au clefz, au juge vif et juge mort, au franc du carreau, à tirer les fers du four, à pair ou non, au fault villain, à croix ou pille, au cailleteaux, au martres, au bossu aulican, au pingres, à Sainct Trouvé, a la bille, à pinse morille, au savatier, au poirier, au hybou, à pimpompet, au dorelot du lievre, au triori, à la tirelitantaine, au cercle, à cochonnet va devant, a la truye, à ventre contre ventre, à Sainct Cosme, je te viens adorer_, aux combes, à la vergette, à escharbot le brun, au palet, à je vous prens sans verd, au j'en suis, à bien et beau s'en va Quaresme, à Foucquet, au quilles, au chesne forchu, au rapeau, au chevau fondu, à la boulle plate, à la queue au loup, au vireton, à pet en gueulle, au picqu'à Rome, à Guillemin ballie my ma lance, à rouchemerde, à la brandelle, à Angenart, au treseau, à la courte boulle, au bouleau, à la griesche, à la mousche, à la recoquillette, à la migne, migne beuf, au cassepot, au propous, à mon talent, à neuf mains, à la pyrouète, au chapifou, au jonchées, au pontz cheuz, au court baston, à Colin bridé, au pyrevollet, à la grolle, à clinemuzete, au cocquantin, au picquet, à Colin Maillard, à la blancque, à myrelimofle, au furon, à mouschart, à la seguette, au crapault, au chastelet, à la crosse, à la rengée, au piston, à la foussette, au bille boucquet, au ronflart, au roynes, à la trompe, au mestiers, au moyne, à teste à teste bechevel, au tenebry, au pinot, à l'esbahy, à male mort, à la soulle, aux croquinolles, à la navette, à laver la coiffe Madame, à fessart, au belusteau, au ballay, à semer l'avoyne, à briffault, à la cutte cache, au molinet, à la maille, bourse en cul, à defendo, au nid de la bondrée, à la virevouste, au passavant, à la bacule, à la figue, au laboureur, au petarrades, à la cheveche, à pille moustarde, au escoublettes enraigées, à cambos, à la beste morte, a la recheute, à monte, monte l'eschelette, au picandeau, au pourceau mory, , à croqueteste, à cul sallé, à la grolle, au pigonnet, à la grue, au tiers, à taille coup, à la bourrée, au nazardes, au sault du buisson, aux allouettes, à croyzet, aux chinquenaudes.

Après avoir bien joué, sessé, passé et beluté temps, convenoit boire quelque peu, - c'estoient unze peguadz pour homme, - et, soubdain après bancqueter, c'estoit sus un beau banc ou en beau plein lict s'estendre et dormir deux ou troys heures, sans mal penser ny mal dire..."
225 jeux ! Combien de jeux est-ce que je connais vraiment ? À combien ai-je joué dans ma vie ?
Quelques-uns m'attireraient bien : le bourry, le bourryzou, la couille de bélier, le pinse morille, le ventre contre ventre, le pet en gueulle,le laver la coiffe Madame...
Mais où trouver des partenaires à Nogent, où l'on ne joue qu'aux fléchettes et au rugby ?
Sur un site australien (bibliothèque d'Adélaïde) où l'oeuvre intégrale est en ligne, traduite en anglais, la mise en page de ce chapitre est totalement différente : on fait vraiment la liste des jeux :
Et c'est en fait presque fidèle à l'édition de chez Dolet de 1542. Presque, parce que dans l'original, il n'y a qu'un nom de jeu par ligne. On peut s'apercevoir aussi que le texte que j'ai trouvé en ligne (ABU) n'est pas fidèle non plus (dans l'ordre des jeux par exemple). Mais ne pinaillons pas, cela s'explique sans doute par l'edition utilisée (XIXè d'après....)
Le jeu est tentant : comment le traducteur ("Translated into English by Sir Thomas Urquhart of Cromarty and Peter Antony Motteux Illustrated by Gustave Doré) a-t-il traduit le migne beuf, la bourse en cul et le rouchemerde ?
Il l'a fait, et ma foi, pas si mal que ça, et n'a pas eu peur des mots.