Vendredi 17 juin 2005 Hier Avant hier
La traduction en français d'aujourd'hui des jeux de Gargantua (Livre I, Chapitre XXII) nous éclaire sur certains jeux, même si souvent cela n'indique en rien en quoi ils consistent ni comment on y joue et le but à atteindre...mais bon, pour moi ce n'est pas cela une vraie traduction.
Vérification faite, il y en a 215 et non 225 mal comptés hier.
À lire leurs noms, on pourrait croire pour certains que Rabelais les a inventés. Et bien non. Une très belle étude de Yves Rifaux, Conservateur du Musée L'Art de l'Enfance Annecy, montre comment, après une longue recherche, il a pu en retrouver l'origine et les règles pour 190 d'entre eux !
Puis tout lordement grignotant d'un transon de graces, se lavoit les mains de vin frais, s'escuroit les dens avec un pied de porc et devisoit joyeusement avec ses gens; puis, le verd estendu, l'on desployoit force chartes, force dez et renfort de tabliers. Là jouoyt:
Puis marmottant, tout alourdi, une bribe de prière, il se lavait les mains de vin frais, se curait les dents avec un pied de porc et devisait joyeusement avec ses gens. Ensuite, le tapis vert étendu, on étalait force cartes, force dés, force tablettes et alors il jouait:
au flux (au flux),
à la prime (à la prime),
à la vole (à la vole),
à la pille (à la pille),
à la triumphe (à la triomphe),
à la picardie (à la Picardie),
au cent (au cent),
à l'espinay (à l'épinet),
à la malheureuse (à la malheureuse),
au fourby (au fourbi),
à passe dix (à la passe à dix),
à trente et ung (au trente et un),
à pair et sequence (à paire et séquence),
à troys cens (à trois cents
),
au malheureux (au malheurreux),
à la condemnade (à la condemnade),
à la charte virade (à la carte virade),
au maucontent (au mal content),
au lansquenet (au lansquenet),
au cocu (au cocu),
à qui si parle (à qui en a parlé),
à pille, nade, jocque, fore (à pille, nade, jocque, fore),
à mariaige (au mariage),
au gay (au geai),
à l'opinion (à l'opinion),
à qui faict l'ung faict l'aultre (à qui fait l'un fait l'autre),
à la sequence (à la séquence),
au luetts (aux luettes),
au tarau (au tarot),
à coquinbert qui gaigne perd (à coquimbert qui gagne perd),
au beliné (au couillonné),
au torment (au tourment),
à la ronfle (à la ronfle),
au glic (au glic),
aux honneurs (aux honneurs),
à la mourre (à la mourre),
aux eschetz (aux échecs),
au renard (au renard),
au marelles (à la marelle),
au vasches (aux vaches),
à la blanche (à la blanche),
à la chance (à la chance),
à trois dez (à trois dés),
au tables (aux tables),
à la nicnoque (à la nique-noque),
au lourche (à bredouille),
à la renette (à la rainette),
au barignin (au barignien),
au trictrac (au trictrac),
à toutes tables (à toutes tables),
au tables rabatues (à tables rabattues),
au reniguebieu (au reniguebieu),
au forcé (au forcé),
au dames (aux dames),
à la babou (à la babou),
à primus secundus (à premier-second),
au pied du cousteau (au pied du coteau),
au clefz (aux clés),
au franc du carreau (au franc du carreau),
à pair ou non (à pair ou non),
à croix ou pille (à pile ou face),
au martres (aux martres),
au pingres (au pingre),
à la bille (à la bille),
au savatier (au savetier)
au hybou (au hibou),
au dorelot du lievre (au dorelot du lièvre),
à la tirelitantaine (à la tirelitentaine),
à cochonnet va devant (à cochonnet va devant),
au pies (à la pie),
à la corne (à la corne),
au beuf violé (au boeuf violé),
à la cheveche (à la chevêche),
à je te pinse sans rire (à je te pince sans rire),
à picoter (à picoter),
à deferrer l'asne (à déferrer l'âne),
à la iautru (à laïau-tru),
au bourry bourry zou (à bourri, bourri, zou),
à je m'assis (à je m'assieds),
à la barbe d'oribus (à la barbe d'oribus),
à la bousquine (à la bousquine),
à tire la broche (à tire la broche),
à la boutte foyre (à la boute-foire),
à compere prestez moy vostre sac (à compèrere prêtez-moi votre sac),
à a couille de belier (à la couille de bélier),
à boute hors (à boute-hors),
à figues de Marseille (aux figues de Marseille),
à la mousque (à la mousque),
à l'archer tru (à l'archer tru),
à escorcher le renard (à écorcher le renard),
à la ramasse (à la ramasse),
au croc madame (au croc madame),
à vendre l'avoine (à vendre l'avoine),
à souffler le charbon (à souffler le charbon),
au responsailles (aux réponsailles),
au juge vif et juge mort (à juge vif et juge mort),
à tirer les fers du four (à tirer les fers du four),
au fault villain (au faux-vilain),
au cailleteaux (aux cailleteaux),
au bossu aulican (au bossu aulican),
à sainct Trouvé (à saint Trouvé),
à pinse morille (à pince morille),
au poirier (au poirier),
à pimpompet (à pimpompet),
au triori (au triori),
au cercle (au cercle),
à la truye (à la truie),
à ventre contre ventre (à ventre contre ventre),
aux combes (aux combes),
à la vergette (à la vergette),
au palet (au palet),
au j'en suis (à j'en suis),
à Foucquet (à Foucquet),
au quilles (aux quilles),
au rapeau (au rapeau),
à la boulle plate (à la boule plate),
au vireton (au vireton),
au picquarome (au pique-à-Rome),
à rouchemerde (à rouchemerde),
à Angenart (à Angenard),
à la courte boulle (à la courte boule),
à la griesche (à la grièche),
à la recoquillette (à la recoquillette),
au cassepot (au cassepot),
à montalent (à mon talent),
à la pyrouete (à la pirouette),
au jonchées (aux jonchées),
au court baston (au court bâton),
au pyrevollet (au pirevolet),
à cline muzete (à cligne-musette),
au picquet (au piquet),
à la blancque (à la blanque),
au furon (au furon),
à la seguette (à la seguette),
au chastelet (au châtelet),
à la rengée (à la rangée),
à la foussete (à la foussette),
au ronflart (au ronflard),
à la trompe (à la trompe),
au moyne (au moine),
au tenebry (au ténébris),
à l'esbahy (à l'ébahi),
à la soulle (à la soule),
à la navette (à la navette),
à fessart (au fessard),
à sainct Cosme je te viens adorer (à Saint Côme je viens t' adorer),
à escharbot le brun (à escarbot le brun),
à je vous prens sans verd (à je vous prends sans vert),
à bien et beau s'en va quaresme (à bel et beau s'en va Carême),
au chesne forchu (au chêne fourchu),
au chevau fondu (à cheval fondu),
à la queue au loup (à la queue du loup),
à pet en gueulle (à pet-en-gueule),
à Guillemin baille my ma lance (à Guillemin baille-moi ma lance),
à la brandelle (à la brandelle),
au treseau (au tréseau),
au bouleau (au bouleau),
à la mousche (à la mouche),
à la migne migne beuf (à la migne-migne-boeuf),
au propous (aux propos),
à neuf mains (à neuf mains),
au chapifou (au chapiteau),
au pontz cheuz (aux ponts chus),
à colin bridé (à Colin bridé),
à la grolle (à la grolle),
au cocquantin (au coquantin),
à Colin maillard (à colin-maillard),
à myrelimofle (à mirelimofle),
à mouschart (au mouchard),
au crapault (au crapaud),
à la crosse (à la crosse),
au piston (au piston),
au bille boucquet (au bilboquet),
au roynes (aux reines),
au mestiers (aux métiers),
à teste à teste bechevel (à tête tête bêche),
au pinot (au pinot),
à male mort (à male mort),
aux croquinolles (aux croquignoles),
à laver la coiffe ma dame (à laver la coiffe Madame),
au belusteau (au beluteau),
à semer l'avoyne (à semer l'avoine),
à briffault (à moine briffaut),
au molinet (au moulinet),
à defendo (à je défends),
à la virevouste (à la virevolte),
à la bacule (à la bascule),
au laboureur (au laboureur),
à la cheveche (à la chevêche),
au escoublettes enraigées (aux écoublettes enragées),
à la beste morte (à la bête morte),
à monte monte l'eschelette (à monte, monte l'èchelette),
au porceau mory (au pourceau mori),
à cul sallé (à cul salé),
au pigonnet (au pigeonnet),
au tiers (au tiers),
à la bourrée (à la bourrée),
au sault du buisson (au saut du buisson),
à croyzer (à croiser),
à la cutte cache (à la cute-cache),
à la maille bourse en cul (à la maille bourse en cul),
au nid de la bondrée (au nid de la bondrée),
au passavant (au passe avant),
à la figue (à la figue),
au petarrades (aux pétarades),
à pillemoustarde (à pile moutarde),
à cambos (à cambos),
à la recheute (à la rechute),
au picandeau (au picandeau),
à croqueteste (à croque-tête),
à la grolle (à la grolle),
à la grue (à la grue),
à taillecoup (à taille coup),
au nazardes (aux nasardes),
aux allouettes (aux alouettes),
aux chinquenaudes (aux chiquenaudes).
Aprés avoir bien joué, sessé, passé, et beluté temps, convenoit boyre quelque peu - c'estoient unzepeguadz pour homme -et soubdain aprèsbancqueter c'estoit, sus un beau banc ou en beau plein lict, s'estendre et dormir deux ou troys heures sans mal penser ny mal dire.
Après avoir bien joué, passé, tamisé et blué le temps, on était d'accord pour boire quelque peu, c'est-à-dire onze setiers par tête, et, aussitôt après avoir banqueté, s'étendre sur un beau banc ou en plein mitan d'un bon lit pour y dormir deux ou trois heures, sans penser à mal ni dire du mal.
Je ne peux que citer Yves Rifaux pour vous donner envie de lire son étude complète (La notion de jouet à travers l'évolution de l'enfance : Des 215 jeux de Gargantua aux jouets de nos enfants) :
" On peut classer certains qui ne sont pas encore définis, comme des jeux de cartes ou des jeux de dés (je n'ai pas retrouvé les règles, mais ils étaient connus, et figurent dans des nouvelles ou des romans de chevalerie). Cette recherche se révéla difficile car Rabelais se fie au parlé de plusieurs provinces, et au patois des régions : Bourgogne, Lyonnais, Bourbonnais, Ile-de-France, Touraine, où il a vécu. Ainsi la toupie lancée à la ficelle se trouve sous le vocable de " chartevirade " (n°32), de ronfle (n°48), de furon (n°120), et de virevouste (n°174). Je note à propos de cet inventaire de Rabelais, que pour beaucoup de personnes, mis à part les échecs ou le tric-trac, cette liste était sortie directement de l'imagination de Rabelais. En fait, c'est vraiment une liste de jeux ayant existé. Je signale que je me lançais dans cette recherche parce que, dans cette liste, on trouve le jeu de " Tête-à-tête Béchevel ". Je pensais que ce jeu étais imaginaire. En fait, c'est un jeu très simple qui se pratique avec des épingles. On en prend 2 dans la main, on les met soit tête à tête, soit tête-bêche, c'est-à-dire " béchevel ", et il faut deviner leur sens. Partant de cela, j'en conclus que tous ces jeux aux noms étranges avaient existé. Plus de 20 sont consacrés aux cartes à jouer, une dizaine aux dés. On y retrouve tous les jeux traditionnels, ouvrages de tabletiers et de façonniers à cette époque : les échecs, le tric-trac, les osselets qui n'étaient pas fait uniquement avec l'astragale du mouton, mais qui étaient déjà façonnés par des artisans. On en a retrouvé en bois ou en matière peu définie datant de cette époque. Le reste de la liste est consacré au divertissement de l'enfance, c'est-à-dire aux " infans ", et de l'adolescence, " puer " : jeux de course, d'adresse, de chance, de devinettes, de comptines, mais aussi de sexe et même de scatologie. Certains faisaient appel à des jouets manufacturés, comme la bille, le cerceau, le cheval-bâton, le bilboquet, le tir à l'arc, la joute..."
On rapproche cette liste souvent de l'huile sur toile (Jeux des enfants, 118 x 161 cm) de Breughel peinte en 1560 où certains critiques se sont amusés à dénombrer, sur cette place publique où les enfants ont pris le pouvoir, 84 jeux et divertissements (certains typiquement flamands, d'autres universels) pratiqués par 250 enfants. Ça fait penser bien sûr à une cour de récréation (ouverte sur deux belles perspectives, une sur la campagne, l'autre immense sur la ville) avec ses cris et son brouhaha.

Comment résister d'y faire et un tour et de se souvenir...


dans la rue

dans la campagne, dans la cour...
Mes cours de récréation s'appellent Montigny sur Avre, Bérou la Mulotière...
Je ne me souviens que de la tristesse de leurs tilleuls et des chardonnerets qui venaient y chercher de l'ombre...
On n'y jouait qu'aux billes et parfois aux osselets.
Il faut dire que quand on est fils d'institutrice et qu'on habite dans l'école, la cour de récréation, en dehors des heures de classe, devient quand elle est vide, privée de son sens et se transforme en une prison silencieuse.
Ce fut ma première cour intérieure. Le Temps à cette époque, m'y semblait non seulement interminable mais infini.
Réfugié dans ses pensées secrètes et inavouables, l'enfant y devient songeur et assoiffé d'histoires.
"Sur le sol, à droite, on note un détail curieux: quatre bérets dont personne ne semble s'occuper sont disposés de telle façon qu'ils forment une figure humaine. On peut y voir la volonté du peintre à "faire grimacer l'inanimé" (Seldmayr) mais aussi un simple clin d'oeil: Bruegel est parmi les enfants et s'amuse à nous surprendre." (très belle page consacrée à ce tableau)
Faire grimacer l'inanimé !
Quelle belle formule. C'est mieux que bonne nuit les petits...