mardi 17 mai 2005 Hier Avant hier
Formation continue, première journée de stage sur la violence.
La matinée.
Une quinzaine de profs, autour d'une table, à attendre de Marie S. la bonne parole.
Un premier tour de table cerne des attentes, raconte des expériences, pose des questions.
Notre formatrice est claire : elle n'a pas de brochure avec des recettes miracles. Elle ne fait pas partie de l'Education Nationale, c'est un bon point. Son parcours a commencé par l'Éducation Nationale, mais elle a vite quitté pour la Suisse, la délinquance, une formation systémique, la direction d'un centre spécialisé...
Elle insiste qu'elle n'a pas de modèle à transmettre mais une recherche, une réflexion et une expérience personnelles. Elle ne fait qu'une décantation.
Quelques pistes lancées juste après la tournée des questions. On note, un peu en vrac :
- La définition de la violence est difficile à donner. Toutes les définitions se font à partir de la victime et non à partir de l'auteur,
Toutes les définitions ont une part subjective,
- Ne pas confondre conflit et crise.
Le conflit est bipolaire, A contre B, individu ou groupe, il a un objet, c'est un heurt entre deux camps. Il se construit et peut donc se déconstruire...
La crise est multipolaire, beaucoup plus difficile à analyser... - Avoir de l'autorité c'est savoir ce que l'on interdit.
- Certains mots émergent et reviennent : plainte, stratégie, écouter, escalade, estime de soi, la demande, faire le tri, la caisse à outils, sanction...
- Il faut mettre de l'ordre dans notre caisse à outils, ne pas attraper n'importe quel outil en paniquant devant le feu de l'urgence. Il faut rester connecté à soi-même...
Première pause, pour que ceux qui veulent manger ce midi à la cantine, aillent acheter leur ticket.
Tout commence par un schéma d'ensemble, une grille qu'il faut accepter. La sienne part de James P.Carse mathématicien anglais qui dans un livre célèbre, Jeux finis, jeux infinis..., à partir de courtes réflexions philosophiques, des aphorismes, propose une vision de la vie vue de différentes façons, en terme de jeu, société, culture, théâtre, drames etc....Il commente, entre autre, Rousseau, Platon, Proust et Freud de façon claire et originale...
"Il existe au moins deux sortes de jeux. Un jeu qu'on pourrait appeler "fini" et l'autre "infini".
Le but d'un jeu fini est de gagner, celui d'un jeu infini est de continuer de jouer.
Les règles d'un jeu fini peuvent être immuables; celles d'un jeu infini doivent changer.
Les joueurs "finis" jouent dans des limites; les joueurs "infinis", eux, jouent avec les limites.
Le joueur "fini" tente de gagner la vie éternelle; le joueur "infini" joue pour la naissance éternelle."

Somme toute, il n'y aurait que deux sortes de jeux dans la vie. Oui des jeux, avec des règles :
- des jeux infinis, qui sont des jeux qu'on joue pour continuer à jouer, des jeux G/G, Gagnant/Gagnant, ou la somme à gagner pour chacun n'est pas négligeable, où chacun y trouve son bénéfice. Par rapport à la violence, ce sont des jeux autorisés. On y trouve l'agressivité, mais non pas l'agression ni la violence, avec une vaste échelle qui va de l'amour, l'amitié, la coopération, la tension, la provocation, les conflits...
Ce côté est celui de la Vie, de la relation humaine.
- des jeux finis, qui sont des jeux où l'on joue pour gagner, des jeux G/P où il y a un gagnant et un perdant, où on peut tout y perdre. Ce sont des jeux interdits. On y trouve toute l'échelle de la violence qui va de la menace aux insultes, des coups aux blessures, du harcèlement à l'agression...
Ce côté est celui de la mort, du pouvoir.
- entre les deux la frontière est stricte. C'est l'interdit qui structure et définit la violence. C'est LA LOI. Toute société doit se bâtir sur un interdit (l'inceste, le meurtre) si elle veut survivre. Dans un monde sans LOI, la vie n'est ni protégée ni assurée, c'est l'état premier de la loi du plus fort.
1-Le premier outil contre la violence est la pensée.
Est-ce que je vais jouer ce jeu ou pas ? C'est la première urgence face à violence. Penser. Si je peux penser face à la violence, c'est que je ne suis pas encore dans la violence. 2- L'épée n'est pas celle qui tue. C'est le glaive de la justice.
3-Face à un jeu interdit il faut la sanction (sécateur, couper) c'est-à-dire mettre fin. Ce n'est pas ni châtier, ni prendre sa revanche, ni se venger.
4- La violence alors ? Qu'est-ce qu'un acte de violence (on dit aussi interaction violente) ? C'est en effet une interaction. , une atteinte à l'intégrité physique ou morale (ou culturelle). C'est une atteinte à son identité, à ses frontières, à ses territoires...
5- La violence psychologique, elle est interne, elle provoque une souffrance, une angoisse... Elle appelle comme remède le soin (psychologique etc....)
6- La violence exploratoire, interactionnelle, celle qui se passe entre les êtres, appelle la sanction.
7- La violence institutionnelle, viol des règles de l'organisation, de la famille, de l'Education Nationale par ex...peut appeler comme remèdes des rituels de paroles, de politesse, de remédiation, qui permettent une reprise de confiance dans la relation. On se serre la main (ça prouve que je n'ai pas une dague dans ma manche), on trinque ensemble (il n'y a pas de poison dans le verre), on se fait une accolade (je peux vérifier que l'autre ne porte pas d'armes)...
8- On voit bien que l'Education Nationale et les objectifs qu'elle se donne est à contre-courant, à vouloir garder ce schéma alors que tout le reste (médias etc....) tend à vanter les mérites de la compétition, d'être le gagnant, le plus fort, le plus riche...
9- Il ne faut jamais mélanger en même temps les deux côtés du tableau (on ne peut pas faire un entretien de confrontation par exemple et donner en même temps une sanction).
10- Le conflit est du côté de la vie. Il est l'expression d'un désaccord. Il est construit, il a un objet. On peut donc le déconstruire pour faire G/G (Gagnant/Gagnant): le fruit d'un conflit peut-être un nouvel accord, une nouvelle règle.
La fin de la matinée est consacrée à la régulation (cf boite à outils côté vie, jeux infinis, Gagnant/Gagnant). Les outils à notre disposition sont nombreux, Mais nous sommes auto référents dans ce domaine. On peut décider d'agir de différentes manières (en autoréférence, en référence à des normes ou des usages, ou en communiquant (je co-construis une réalité partagée, respectueuse de toi et moi).
On peut réguler (cf boite à outils) de 3 manières :
- Par la force ou le pouvoir :(faire obéir, argumenter, pratiquer la dérision ou l'humour, monter en symétrie (escalade mais si, mais non...)
ce dernier choix est très dangereux si on ne dispose pas d'arme fatale : (si l'élève l'emporte à la fin : très mauvais cadeau à lui faire expérimenter la position de la toute puissance qui peut l'encourager à abandonner l'interdit, lui faire croire qu'il vit dans un monde où tout est possible et autorisé...ce qui le fait passer (cf tableau), du côté de la mort).
- par le droit on utilise ou on fait appel à un tiers (règlement, engagement pris, règlement intérieur signé, une autre personne ou témoin...En effet, à chaque fois que l'on passe de deux à trois, on s'aperçoit que cela provoque une baisse de l'angoisse..;
- par la communication en faisant des confrontations, des médiations... Ce point est très important et l'après-midi y sera consacré, avec un point fort mis sur l'écoute active et comment elle procède par empathie et reformulation.
Vaste programme...
À table !