Mardi 20 septembre 2005 Hier Avant hier
À la recherche des Femmes d'Alger dans leur appartement...(Delacroix 1.)
Tout commence en fait grâce à une histoire de cul.
Paris le 21 novembre 1831.
Tout le monde se presse à l'opéra pour assister à la première de "Robert le diable " de Giacomo Meyerbeer.
Degas en peindra plus tard une scène.
Comme d'habitude, tout le fin gratin est là.
Parmi la foule, un jeune péteux d'aristocrate, jeune diplomate de 28 ans, le Comte Robert de Mornay, est là avec sa maîtresse. Il a en plus une mission officielle de Louis-Philippe sur les bras : aller au Maroc essayer de convaincre Moulay-Abd-Er-Rhama, le Sultan du Maroc, d'arrêter d'héberger sur son territoire les algériens rebelles, et dont le Dey d'Alger avait carrément frappé le Consul de France avec un chasse-mouches ! Il cherche un peintre dessinateur qui fera effet de reporter et de " photographe " de sa mission et témoigner de cette ambassade.
Lors d'une pose dans les couloirs, il en parle à ses amis, et c'est sa maîtresse qui lui dit : moi j'en connais un, c'est l'homme qu'il te faut. " C'est un jeune peintre ayant du talent, de l'esprit, du monde et un excellent caractère..." remarque et détail qui ne tombent pas dans l'oreille d'un sourd, surtout quand on sait qu'on devra supporter ce type, côte à côte pendant 4 à 5 mois !
scupture de David d'Angers Cette maîtresse, ce n'est pas n'importe qui.
C'est Anne Françoise Hippolyte Boutet, actrice célèbre, belle comme le feu de Dieu, et qui a eu comme amants tous ceux qu'elle a voulus, de Charles de Flahaut (fils de Talleyrand et père du duc de Morny, et très célèbre lui-même pour ses maîtresses) à Napoléon, entrée à la Comédie-Française à vingt ans, créatrice du rôle de Doña Sol dans Hernani (c'est Arielle Dombasle qui tient son rôle dans le film de Jean-Daniel Verhaeghe, la bataille d'Hernani), célèbre pour ses frasques son caractère, et ses interprétations de Céline dans Le Misanthrope, Elmire dans Tartuffe et autres coquettes et ingénues de Molière.
Mais oui, vous l'avez reconnue : il s'agit bien de la célèbre Mademoiselle Mars, peinte et sculptée sous toutes les coutures...
Fondation Napoléon
sculpture de Gabriel-Jules Thomas
Donc, elle conseille Delacroix à son amant de comte . Coup de chance, il est lui-même là, à quelques mètres dans les couloirs de l'opéra. Sur le champ Mornay va l'aborder et lui demande à brûle-pourpoint : est-ce que vous voulez m'accompagner comme peintre dans ma mission au Maroc ?
Delacroix, qui a 33 ans, qui est un peu revenu de ses espoirs révolutionnaires (" Tout le monde, la peinture, les hommes et moi-même, tout cela m'ennuie "), accepte !
C'est quand même dingue qu'une simple discussion de couloir, pendant la pause d'un opéra, suite à la remarque de la maîtresse d'un type, débouche plus tard sur un des tableaux les plus importants de l'histoire de l'art en Europe ! Non ?
Ce voyage sera déterminant dans la vie, et pour l'oeuvre de Delacroix, en modifiant profondément sa façon de peindre, et notamment sa perception de la lumière.
Le départ est prévu le 1er janvier 1832 à Toulon, sur la corvette aviso la Perle.
Première escale prévue : Tanger.
Mornay et Delacroix passent le réveillon de la Saint Sylvestre à faire la fête et picoler comme des fous. Quand ils quittent Paris à 3 heures du matin en direction de Toulon, ils sont complètement HS.
C'est le début du célèbre voyage de 1832 de Delacroix au Maroc, en Algérie et en Espagne.