mardi 24 janvier 2006 dernière page Avant dernière page
Hégésippe Simon
J'ai cité hier à la fin de ma page quotidienne, une affirmation redoutable de Hégésippe Simon.
Pour la comprendre et l'accepter, il faut donner des explications.
Dans un but d'efficacité, soyons didactiques et expédions notre affaire en trois points.
1-Il existe dans la Nièvre, un village qui s'appelle Poil.
À une trentaine de kilomètres du Creusot sur 2702 hectares, à une altitude de 350 mètres, il compte 197 habitants qui sont appelés les Pictiens, Pixiens, Pixiennes ou Poilus, Poilues
Touristiquement c'est une mine pour les amateurs de châteaux. le village en compte 6 :
- Le château du Mousseau, XVIe siècle avec une collection de cippes gaulois découverts en 1900,
- Le château de Pierrefitte,
- Le château de Concley, XVIIIe siècle,
- Le château d'Ettevaux, XVIIIe siècle, rebâti aux XIXe et XXe siècles,
- Le château de Thil, XVe siècle, remanié,
- Le château de Villette, XVIIIe siècle.
Poil recèle en outre une église romane, remaniée aux XVIe et XIXe siècles, ainsi que la chapelle néogothique d'Ettevaux, qui date du XIXe siècle. La fête patronale a lieu du 11 au 17 novembre.
disons que les pictiens s'occupent avec l'élevage des charolais, de la polyculture, des pâturages et des forêts.
Mais sans rien demander il est entré dans l'histoire en 1913, malgré lui, à cause d'un journaliste assez rigolo, qui s'appelait Paul Birault.
2- Rigolo et spirituel, journaliste à l'Eclair, Paul Birault, pour démontrer que nos députés étaient vraiment des cons et capables de foncer tête baissée dans n'importe quoi, avait créé en 1913 un comité du centenaire d’Hégésippe Simon, personnage inventé de toute pièce. Sans pour autant rien indiquer sur la personnalité dudit Simon, il souligna, sans crainte aucune d’alerter les parlementaires locaux, qu’on lui devait cette profonde devise : « Les ténèbres s’évanouissent quand le jour se lève »… Il le présenta comme le père de la démocratie...
Il envoya aux députés la lettre suivante :
Pas un député ne renifla la supercherie (comme dirait Giscard) et l'idée fut trouvée bonne.
Réponse du député Paul Meunier de l'Aube :
Réponse du député Dalbiez des Pyrénées Orientales :
Paul Birault se paya même le luxe d'envoyer aux retardataires, une lettre de rappel :
Six nouveaux députés s'empressèrent de répondre, s'excusant même de leur négligence !
Le meilleur fut, un futur Président du Conseil, qui fit du zèle :
Mais Paul Birault, ne s'arrêta pas là. Il envoya à 100 sénateurs la même lettre, en ajoutant en post scriptum : " la pierre élevée à la mémoire de votre illustre compatriote sera élevée à...." en ajoutant à chacun le nom d'un village de sa région !
17 sénateurs répondirent favorablement.
Idem par la suite les conseillers généraux. Quelques journaux commencèrent à annoncer l'inauguration de la statue, dans la ville de Poil.
Car bien sûr Notre journaliste avait décidé finalement qu' Hégésippe Simon était né à Poil, dans la Nièvre !
Ce qui lui valut l'adhésion tardive du député de la Nièvre, comte d'Aulnay : à se plier en quatre :
Car notre rigolo avait bien sûr choisi cette date pour que tous les journaux relatent cet évènement national le lendemain à savoir le 1er avril !
3- Mais certains députés, pour faire leur discours inaugural, et même ministres, avaient fait une enquête et commençaient à s'inquiéter de trouver nulle trace d'un Hégésippe Simon. Paul Birault décida alors que c'était la fin de son histoire.
Voilà comment la relate en détail Guy Breton, dans l'excellente étude de cette supercherie, d'où j'ai tiré tous les extraits cités, et que l'on peut trouver sur Internet en fichier pdf.
Il faut avouer que l'érection de la statue d'Hégésippe Simon né à poil eut été fort drôle relatée un 1er avril !
Il en reste une chanson certes, et la France eut raison de rigoler et d'en profiter et de chanter.
Quelques mois plus tard, elle n'entendra plus et pour longtemps que les coups de canons de la première guerre.
Précisons enfin que tous les députés qui avaient répondu, furent, sans exception, réélus la fois suivante.
Cette histoire se répéta dans une certaine mesure au 1er avril 1953. En effet, en accord avec le directeur de la compagnie des bateaux-mouches parisiens, le journaliste et écrivain Robert Escarpit avait rédigé une biographie de Jean-Sébastien Mouche, dont il faisait à la fois le collaborateur du baron Haussmann, l'inventeur du bateau-mouche, et le créateur d'un corps d'inspecteurs de la police spécialisés dans le renseignement et appelés « mouchards ». Ce canular a survécu pas mal de temps, et aujourd'hui encore il arrive qu'on s'y laisse prendre. Mais le jour de la cérémonie, en plus des étudiants rigolards, on vit de nombreuses célébrités, parmi lesquelles pavana même un certain ministre...