Jeudi 12 mai 2005 Hier Avant hier
Feuilleton Saint-Simon, touche no2
J'étais parti avant-hier tranquillement pour faire un petit feuilleton (rien d'étonnant à ce qu'il y ait un feuilleton hebdomadaire dans un journal quotidien, n'est-ce pas), qui se serait appelé "l'affaire de Nonancourt", épisode que Saint-Simon appelle ainsi dans le tome 13 de ses Mémoires (chapitre XVII et chapitre XIV ) ou même "l'affaire infâme de Nonancourt" ( tome 16 chapitre XIV) ou, variante, "l'infâme affaire de Nonancourt" (tome 14, chapitre premier), et qu'il raconte en détail dans le chapitre XIII du tome 13, comme je l'ai signalé hier.
À cause de la présence de Dreux, Nonancourt, et Verneuil sur Avre (qui dans les Mémoires est toujours appelée Verneuil du Perche), et sachant que j'adore les énigmes à résoudre, c'est François Bon qui m'avait envoyé le court texte en question, m'excitant suffisamment pour aller repérer les lieux...que je connais depuis longtemps puisque j'y allais à vélo quand j'avais entre 13 et 15 ans.
Il existe une sorte de confrérie, de caste, de gens qui sont amoureux, fanatiques, admirateurs et qui continuent de lire Saint-Simon, comme une drogue, un volume traînant inexorablement sur la table de nuit depuis toujours, et n'en revenant toujours pas du plaisir sans cesse renouvelé à lire une langue des plus jouissives, aiguisée et subtile, de la littérature française. La passion de F.Bon pour celui qu'il appelle son " Duc de chevet" est bien connue des lecteurs de son site, la mienne moins, mais pouvant se deviner par l'habitude, la règle, et le principe appliqués dans mon journal depuis sa mise en ligne quotidienne : une photo du château de Saint-Simon en ruines, à chaque fois que je passais devant, de nuit comme de jour, à chaque fois que je rendais visite à ma mère à Verneuil sur Avre, n'hésitant pas même à faire une fève Saint-Simon pour la galette des rois offerte à mes lecteurs...
Et c'est ce j'avais d'ailleurs fait avant-hier, en donnant les premières lignes de "l'Affaire de Nonancourt." en vous faisant admirer une fois de plus, et pour au moins la cinquantième fois, les ruines de ce beau château.
Mais voilà, c'était une fois de trop !
Au beau milieu de la nuit, je reçois un mail d'un monsieur gentil et courtois, de fort belle écriture, élégante et ferme, d'une très belle famille d'érudits, (dont certains ont d'ailleurs écrit des livres sur Saint-Simon !) et qui me dit, après plein de compliments pour mon travail journalier, Oh coup de tonnerre ! restez bien assis sur votre chaise et lisez à ma place :
"...Mais ce mail a pour principal objet le château à présent si célèbre de la Ferté-Vidame; En effet, il me faut vous dire que ce château n'est pas celui du duc de Saint-Simon.
En effet le château de Louis et de son père Claude, acquis par ce dernier en 1635, fut détruit en 1770. Il avait été vendu en 1766 par la petite-fille et héritière de Saint-Simon à un banquier, M. de Laborde.
L'architecte du nouveau château, Antonin Mathurin Le Carpentier, réalisa une demeure dans le goût du XVIIIe, avec une longue façade ordonnée autour d'un pavillon à fronton.
Ce château remplaça le château médiéval des Saint-Simon, forteresse encadrée de quatre tours et de deux pavillons, dont il ne reste aujourd'hui que les communs, édifiés par le duc Claude, et transformés en résidence par les Orléans, héritiers du duc de Penthièvre qui avait acquis le domaine en 1784. Le château de Laborde fut dévasté à la Révolution et jamais relevé de ses ruines."
Vous imaginez mon effroi intérieur, ma descente aux enfers, 40 ans d'imaginaire qui s'envolaient d'un battement d'aile, à la vitesse avec laquelle m'était arrivé ce mail venu d'on ne sait où au coeur d'une nuit qui s'annonçait sans histoire !
Pendant une dizaine de minutes, je ne fus capable que de me répéter comme une litanie : ce n'est pas possible, ce n'est pas le château de Saint-Simon !, et de revoir, comme parait-il au seuil de la mort, toutes les images défiler, aussi spectaculaires que ce château des Laborde, puisqu'il faut maintenant l'appeler par son nom . Comment ai-je pu aussi mal comprendre tout ce que j'avais lu ?
Je suis bien sûr aussitôt retourné sur mes notes et sur Internet. Pas de litiges possibles : le château de Saint-Simon, le vrai, celui où il avait écrit ses Mémoires, avait bien été détruit avant que Laborde, Banquier du Roi en fasse reconstruire un tout beau tout neuf.
En 1997 une équipe animée par Monsieur Jacques Dussutour et composée de Mrs Herve Linglin, Gérard Mabille, Jean Prud'homme Bené et François Dugas du Villard l'a même reconstitué, à partir des ruines actuelles, en images de synthèse, y compris l'intérieur (grâce à un inventaire laissé avant la révolution).
L'histoire du château de Laborde est pleine de rebondissements et mériterait à elle seule moult commentaires. Mais ce n'est plus notre sujet. Me voici donc à la recherche du vrai château de Saint-Simon. Mais mon cher informateur ne limite pas son mail à ma citation.
Il va plus loin, comme pour m'achever. Il a raison, autant dire toutes les nouvelles tristes (après tout, elles font l'Histoire) en même temps. Ce sera bien sûr la touche no3.