Mercredi 20 juillet 2005 Hier Avant hier
Montoire sur le Loir
ou " les poignées de main " de Montoire.
Page dédiée à Dominique Hasselmann,
pour ses formidables balades photo praticables chez remue.net
Contrairement à l'habitude, le plus drôle n'est pas pour la fin, (mais un petit peu avant).
La première fois que j'ai parlé de Montoire, c'est tout au début de la mise en ligne de mon journal, en novembre 2004. J'avais montré un virage à angle droit, quand on y arrive de Château-Renault et qui à chaque fois m'impressionnait, surtout par route de nuit.
Lors de l'aller et retour que je viens de faire à Angoulême, en utilitaire et avec Rodolphe G., je me suis arrêté (à l'aller) à la célèbre gare de Montoire.
Vraiment, on ne peut pas ignorer qu'à Montoire il y a une gare.
Historique donc, car dans cette gare, le 24 octobre 1940 est entré, à 15h29, de retour d'Hendaye, le train blindé d'Hitler.
Pour le rencontrer, le maréchal Pétain avait quitté Vichy en voiture dès 7 heures du matin, (il avait franchi la ligne de démarcation près de Moulins vers 10 heures, était arrivé à midi et demi à Tours, préfecture d'Indre et Loire) pour arriver à Montoire 18 heures. La garde personnelle du Führer lui rendait alors les honneurs et le chef du protocole le conduisait sur le quai où Hitler l'attendait pour lui serrer la main.
Une seule personne était au courant de cette entrevue : Monsieur Méneteau, chef de gare de Montoire sur le Loir.

Et non, ce n'était pas monsieur le chef de gare de la tour de Carol !
" Monsieur le chef de gare
Monsieur le chef de gare de la tour de Carol

Vous étiez très pâle à sept heures du matin
Vous aviez les paupières froissées
Et ça n'avait d'importance pour personne au monde
Ce qui est une chose horrible et normale "
...

Un tapis rouge traversait les voies et menait au train. La photo de la poignée de main a fait le tour du monde, des livres, des magazines. Y assistent l'interprète, Von Ribbentrop et le maréchal Keitel, chef des armées.
L'abri au milieu du quai, sous lequel se passe la scène s'appelle une marguerite. La scène fut filmée. On voit le caméraman allemand en arrière-plan à droite. On peut voir aujourd'hui ce film, dans la gare, dans le couloir/musée à droite de la porte d'entrée.
" on a récupéré la bande aux allemands " me dit le chef de gare actuel, qui attend désespérément le train de 11h 30, déjà en retard d'une demi heure.
Heureusement pour moi, sinon la gare et le musée auraient été fermés.
Une maquette incroyable, dans la salle à gauche de la gare, remet en scène , au soldat près, la rencontre. la gare a changé au fil du temps.
En 1840 (à gauche), en 1950-60 (au milieu), le 19 juillet 2005 (à droite)
Alors c'est quoi " le plus drôle " ?
C'est qu'en 1987, la carte postale que l'on vendait à la Maison de la presse locale représentait la gare d'aujourd'hui avec, au dos, la légende suivante :
" La gare - lieu de l'entrevue historique du Maréchal Philippe PETAIN et du chancelier Adolf HITLER (24 octobre 1940). Durant cette rencontre, le Maréchal réussit à sauvegarder une partie de l'indépendance politique française et à éviter la collaboration que prétendait obtenir le Führer. Cette victoire diplomatique fut longtemps et volontairement méconnue. "
C'est moi qui souligne.
Cette carte provoqua dans le no du 19 août 87 un encart dans le Canard enchaîné avec un commentaire comme seul lui sait les faire:
Le même Canard, le mercredi suivant signalait que la Maison de la presse de Montoire avait été dévalisée de toutes ses cartes postales de la gare, à la suite de la ruée des clients qui avaient lu l'hebdo... Et pendant quelques semaines, le feuilleton "révisionniste" continua : l'un envoya une étiquette de bouteille de vin à l'appellation tendancieuse, un autre la photo d'une boîte de chocolats de marque très gothique...
Aujourd'hui à la Maison de la presse, je n'ai pas trouvé une seule carte postale de la gare de Montoire. Les seules disponibles sont dans la gare et sont des reproductions, de mauvaise qualité et vendues 2 euros pièce.
On comprend qu'en fait il y a eu deux arrêts d'Hitler à Montoire et deux poignées de main à 2 jours d'intervalle.
La première fut avec Laval deux jours plus tôt à l'aller du voyage d'Hitler de Berlin- Hendaye (pour rencontrer Franco) (voyage connu sous le nom de code d'ERIKA). Le 22 octobre c'est Laval qui était venu en éclaireur arranger l'entrevue avec Pétain...
Pour abréger et en finir avec cette histoire sachez que :
- Ce n'est que le 26 octobre que le gouvernement prit connaissance de cette entrevue par une déclaration de Pierre Laval : " Les deux interlocuteurs se sont mis d'accord sur le principe d'une collaboration"
- Les Français durent attendre le 30 octobre pour entendre Pétain s'exprimer à la radio de vichy : " c'est librement que je me suis rendu à l'invitation du Führer. Je n'ai subi de sa part aucun diktat, aucune pression.
Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. j'en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement..."

- Le maréchal dira plus tard " qu'à Montoire, il ne s'était rien passé ", tout comme Laval au moment de son procès en 1945.
C'est librement que je me suis rendu à Montoire,
et c'est librement que j'en suis reparti,
mais contrairement au maréchal, sous pression.