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samedi 27 novembre 2004.
Retour de Paris la nuit tombante.
La nuit aux trottoirs mouillés de tristesse, la nuit aux mots révéillés et directs, la nuit des autres qui nous manquent, la nuit des marches funèbres, la nuit quand la clef dans la serrure annonce et déclanche la solitude... La nuit qui rappelle ses morts, ses mots de chiffonniers, les paroles saintes de l'enfance, la nuit des cimetières, et des arbres frigorifiés, la nuit des ondes glacées de la terre des morts. La nuit ésotérique, inconsolante, interminable, la nuit magique des adultes, des autres qui ignorent, la nuit sans sommeil, sans étoiles, la nuit sans corps, sans sexe, sans esprit... La nuit où l'on dort habillé...(lettre à Bastian)

Nogent et son hypermarché.

Nogent joyeuses fêtes à qui ?

je suis d'un calme étrange et agréable. Tout ce qui s'accumule en moi chaque seconde, se décante, s'assombrit ou s'illumine et s'enfonce dans l'oubli d'un texte inécrit que je persiste quand même à regretter parfois ne pas avoir écrit, à n'avoir pas pris le temps, marqué l'arrêt pour l'écrire. J'ai aussi parfois l'impression qu'après avoir écrit j'accepterais mourir. Alors j'écris, je n'écris pas, j'écris, plus encore, pas encore, trop, pas assez...
Car aussi, tout ce qui me traverse ne sont que des mots qui ne savent faire que des phrases.
Il est bien sûr insupportable de savoir qu'il ne restera rien de tout cela et de le penser avec des mots encore. J'ai l'impression parfois de faire partie d'un grand secret universel, autant unique et partagé que catastrophique.
Ce refuge dans une sorte de sagesse qui n'est que l'acceptation de l'indicible doublé d'une conscience aigue de la situation, me conduit a être le lecteur d'un texte qui s'efface au fur et à mesure que mes yeux se posent dessus et qui entend la voix qui parle en lui et résonne sans interruption, comme le bruit d'une mer ancestrale qui ne nous lâcherait pas depuis la naissance.
Plus le temps passe et plus la nuit me rassure et m'aide à supporter la lumière, qui elle-même m'aide à supporter l'idée et la certitude d'une grande nuit future et de soit-disante grande lumière.
Il faut bien se faire à l'idée que nous n'écrirons jamais le grand livre qui nous porte, nous écrit et nous contient autant qu'on le contient...On ne peut qu'essayer.
Dans une causante errance et solitude habitées par les milliers de livres qui m'accompagnent depuis quarante ans et me parlent, je me console ainsi avec de mauvais arguments mais qui ont mérite de me calmer et m'apaiser, dire oui plutôt que non, non plutôt que oui.
L'écriture n'est pas simplicité.
L'élan de dire ma voix, c'est-à-dire mon corps vivant, le flux qui m'anime comme une marée, m'évitent l'erreur et l'illusion de toute possession quelconque.
Tout cela n'est pas triste. Je suis ébahi encore du chasselas que je viens de manger, sachant que chaque atome qui constituait chaque molécule de ce délicieux fruit provenait et avait été fait dans une étoile...Cela me rassure mieux que n'importe quel traité de fausse ou mauvaise philosophie.
Je continue donc de tourner dans ce labyrinthe fou en écrivant quand même encore et encore. (écrit à Anne B. et à Jany B.)

Et quand je doute trop, je relis ce que dit Charles Juliet dans Ecrire.
(en bas de la page du dossier de remue.net, ou dans Il fait un temps de poème aux très belles Filigranes éditions), 1996.

Que retenir d'une journée ou de celle-ci en particulier ou que lui faire dire ?
L'important est peut-être dans ce que l'on ne sait pas ou ce que l'on ne sait plus,
parce que oublié, censuré, méprisé, ignoré, pas vu, pas entendu, pas regardé,
et qui pourtant était là avec ce que les mots ne peuvent dire, les images ne pas montrer...

Le regard de Léa quand je suis allé la chercher à la sortie de l'école ce matin ?
ou son sourire quand elle mangeait un yaourt avec sa soeur Charlotte ?

"Ne pas se regarder vieillir dans le miroir que nous tend la mort, non plus que la défier avec de grands mots, mais, s'il se peut, l'accueillir en silence comme sourit à sa mère un enfant au berceau."
(Louis-René des Forêts dans Pas à pas jusqu'au dernier, Mercure de France, p.22)